Dada, Surréalisme

Georges Sebbag, Memorabilia. Constellations inaperçues. Dada et le Surréalisme 1916-1970 (Éditions Cercle d’art, 2009, 406 p., 40 E).

Georges Sebbag, né en 1942, a fait partie du dernier carré surréaliste (il a rencontré en 1964 André Breton, qui est mort deux ans plus tard). Cet ouvrage, publié avec un soin auquel ne nous ont pas habitué les Éditions Cercle d’art, est une déambulation dans une collection privée (Herold) de deux cents œuvres de quatre-vingt-dix artistes. L’auteur place sa rêverie sous l’auspice des Memorabilia du savant et théosophe suédois Emmanuel Swedenborg, cher à Nerval, à Rimbaud et, semble-t-il aussi, à Breton, tout en lui donnant un titre qui affirme une fois de plus la sempiternelle articulation Dada-Surréalisme, alors qu’il y a plutôt, on commence à s’en apercevoir, solution de continuité entre ces deux moments, surtout dans le domaine pictural. D’où vient alors que cet ensemble où se côtoient le pire (Ljuba) et le meilleur (Arp, Hannah Höch, Chirico, Wols, Richter, Picabia) se regarde avec plaisir et enseignement ? D’abord en raison du texte sensible, attentif et intelligent de Georges Sebbag, ensuite parce que, contre toute attente, entre le meilleur et le pire, on « découvre » ici des œuvres, de toute évidence bien choisies, de seconds couteaux Qui méritent peut-être une attention plus indulgente. Cette collection est-elle un collage ? s’interroge l’auteur. Oui, sans doute, et même un contexte favorable pour Stanley William Heather, Wifredo Lam, Camille Bryen. Si l’on n’aime pas Sima ou Masson, Dorothea Tanning ou Alice Rahon-Paalen, force est de reconnaître que ceux que l’on découvre ici sont à sauver. Oscar Domínguez aussi tient presque la route. Jorge Camacho séduit. Charchoune se confirme anecdotique, sans importance, mais il est intéressant de revoir des exemples de son cubisme ornemental ou ce que peignait Papazoff. Deux beaux Malkine. Un Alechinsky vif et frais de 1966. D’admirables Michaux et Klee. Pourtant, cette collection compte trop d’œuvres définitivement non convaincantes, qui tournent â la caricature du Surréalisme (Valentine Hugo, Jane Graverol, Félix Labisse, Mimi Parent, Jacques Hérold, Iaroslav Serpan, Pierre Roy), comme les collages laborieux de Mesens ou Aube Elléouët, la fille de Breton. Parmi les bonnes surprises, les détournements d’Alberto Gironella et quelques artistes qui relèvent de « l’art brut », Gabritchevsky ou Schröder-Sonnenstern. Déjà datée au moment où les avant-gardes développaient des procédures créatrices inédites, la peinture surréaliste a en outre mal vieilli. Il n’est donc guère surprenant que la partie consacrée aux photogrammes dadas de Man Ray, Raoul Hausmann, Christian Schad et, dans une moindre mesure, Tabard, soit la plus envoûtante. Cette collection constitue un témoignage de ce que fut, à un moment donné, l’appréhension des productions surréalistes, jusque dans leurs faiblesses les plus flagrantes, cependant qu’en toute objectivité on tire un bel enseignement à observer ce qui s’est peint et acheté avant que la postérité – dont Duchamp soulignait le caractère incontournable – n’avalise quelques artistes indiscutables.

Références

Anonyme, « Dada, Surréalisme », Histoires littéraires, octobre-novembre-décembre 2010, vol. XI, n° 44.