Breton, Vaché

Georges Sebbag publie le 3e volet de sa trilogie sur les rapports d’André Breton et de Jacques Vaché : L’Imprononçable jour de sa mort Jacques Vaché Janvier 1919, magnifiquement édité, comme les précédents, par Jean-Michel Place.

Il s’agit cette fois d’une lettre-collage – dont Georges Sebbag est le premier à révéler l’existence – envoyée par Breton à son ami le 13 janvier 1919. Celui-ci ne la recevra pas : il est mort le 6 janvier, victime d’une overdose d’opium, dans un hôtel de Nantes. C’est la seule lettre connue de Breton à Vaché.

Breton vient d’inventer la lettre-collage. En appendice, dans un sachet de papier-cristal, nous en est fourni le fac-similé. Nous pouvons la prendre en main, la déplier, faire l’inventaire des morceaux d’un puzzle, en suivant à la trace Georges Sebbag qui en analyse chaque fragment, qui en dit la provenance et en suggère la signification tout au long d’une enquête à la Sherlock Holmes qui laisse pantois : par la précision des détails faisant allusion aux événements, publics et privés, par la connaissance des arrière-plans politiques et littéraires. Georges Sebbag exagère à peine quand il écrit que cette lettre-collage « contient autant de messages sur le siècle que le traité de Versailles signé le 28 juin 1919 ».

Pour s’en persuader, il faut lire l’ouvrage, dont on n’a guère envie, d’ailleurs, de sauter une ligne tant la lecture en est passionnante. Voici, en pied, Apollinaire et Pierre Reverdy, Adrienne Monnier et, bien entendu, Breton et son tout récent ami Aragon, les revues Nord-Sud et Littérature, Tzara… une mine de renseignements précis et quelques-uns inédits sur une période de notre histoire, y compris l’histoire littéraire.

Les documents iconographiques, quelques-uns également inédits, constituent un attrait supplémentaire de cet ouvrage en tous points exceptionnel.

[Maurice Nadeau]

Références

Maurice Nadeau, « Breton, Vaché », « D’une quinzaine à l’autre », La Quinzaine littéraire, n° 545, du 16 au 31 décembre 1989.