Musidora, Nadja et Gradiva

 

Les surréalistes ont été fascinés par les jeunes femmes criminelles. Par l’anarchiste Germaine Berton qui avait révolvérisé un rédacteur de L’Action française. Par Violette Nozières qui avait empoisonné père et mère, un père qui l’aurait violée quand elle avait douze ans. Par les deux sœurs Papin, qui massacrèrent leurs deux patronnes, leur arrachant les yeux, leur écrasant la tête. Pourquoi les surréalistes ont-ils rendu hommage à ces femmes criminelles ? Ont-ils voulu héroïser la femme et glorifier le crime ? Pour répondre à ces questions, il nous faut mener une enquête généalogique et brosser le portrait de trois femmes sans lesquelles l’histoire et l’imaginaire du groupe surréaliste n’auraient pas été ce qu’ils furent. Deux de ces femmes relèvent de l’imaginaire : l’actrice Musidora, qui ne se prive pas de conduire des actions criminelles dans le film Les Vampires, le personnage de roman Gradiva que les commentaires de Freud ont rendu célèbre. La troisième femme est réelle, trop réelle, et se nomme Nadja ou plutôt Léona Delcourt.

Le tournage de Nadja

Desnos endormi Photo Man Ray, reproduit dans André Breton, Nadja, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1928.
Desnos endormi Photo Man Ray.

Qu’est-ce que Nadja, le livre d’André Breton ? Un roman ? Surtout pas, le poète surréaliste a les romans en horreur. Un reportage ? Attention, l’auteur de Nadja ne fait pas dans le journalisme. Une confession ? Sans doute. Mais qu’est-ce donc, au juste ? C’est un film qui défile sous nos yeux, un montage de durées filmiques, un scénario où, comme il se doit, sont généreusement brassées les temporalités sans fil des plans et des séquences. D’ailleurs, une cinquantaine de photographies sont distribuées le long du livre. À cet égard, deux photogrammes successifs de Desnos assoupi et de Desnos éveillé ont bel et bien été taillés dans la pellicule du film Nadja. De même que, dans une séquence de Nadja, André Breton et Jacques Vaché saucissonnent, trinquent et causent, en pleine séance de cinéma, « à la grande stupéfaction des spectateurs », de même, et en retour, la caméra accompagne les vedettes Nadja et Breton tout au long de leurs déambulations ou lors de leurs stations au café ou au restaurant.

Il ne faut pas croire que les surréalistes guettent la venue du hasard objectif les bras croisés et la bouche bée. Quand Breton rencontre Nadja le 4 octobre 1926, le décor du film est déjà planté, plusieurs plans et séquences ont été tournés. L’hôtel des Grands Hommes, la statue d’Étienne Dolet, Paul Éluard, Desnos endormi, la très belle et très inutile porte Saint-Denis, l’enseigne « BOIS-CHARBONS », le serial en quinze épisodes L’Étreinte de la pieuvre, la librairie de L’Humanité, etc., toutes ces durées, vécues, élaborées, filmées par Breton seul, n’attendaient plus que l’entrée en scène de Nadja. Sans repérages, sans décors, sans photographies prises sous un certain angle, sans caméra attentive, sans répliques, sans la voyante Madame Sacco, sans poésie, sans durées préenregistrées, Breton n’aurait jamais rencontré la vedette du film et tourné avec elle des séquences exigeant des deux acteurs, qui sont aussi deux metteurs en scène, une égale disponibilité.

Les questions « Qui suis-je ? », « Qu’est-elle ? » et « Qui sont-ils ? »

Nadja, Qu’est-elle ?Dessin de Nadja (Léona Delcourt)
Nadja, Qu’est-elle ? Dessin de Nadja (Léona Delcourt)

En 1928, en ouverture de son récit intitulé Nadja ou plutôt de son film Nadja, André Breton pose la question « Qui suis-je ? », tandis que Nadja, qui dans son casting tient le rôle de vedette, lui donne la réplique en se posant elle-même la question : « Qu’est-elle ? ». En fait, c’est dans un dessin représentant une Nadja féerique et princière revêtue d’une cape au col relevé, un dessin montrant aussi une Nadja enveloppée d’un énorme point d’interrogation, c’est à l’occasion de cet autoportrait que Nadja a posé solennellement la question : « Qu’est-elle ? ». Mais si, dans une sorte de flash-back, nous remontions à 1915-1916, à l’époque des Vampires, le film en dix épisodes de Louis Feuillade, nous verrions que s’étalait déjà sur les affiches du film la même question mais à propos cette fois-ci de la bande de malfaiteurs qui se désignaient eux-mêmes sous le nom de « Vampires ». Dans une publicité des Vampires sous forme de missive, on pouvait lire ces deux questions imprimées en lettres capitales : « QUI SONT-ILS ? OÙ VONT-ILS ? ». Les réponses en octosyllabes étaient fournies à l’intérieur du pli :

Des nuits sans lune ils sont les Rois,
Les ténèbres sont leur empire.
Portant la Mort, semant l’Effroi,
Voici le vol noir des Vampires.  […]
Ils vont les sinistres Vampires
Aux grandes ailes de velours
Non pas vers le Mal…VERS LE PIRE ! 

Ainsi les Vampires s’identifient-ils explicitement aux grandes chauves-souris suceuses de sang dénommées « vampires ». En effet, comme ces chauves-souris, ils évoluent le plus souvent la nuit, la tête cagoulée, le corps entièrement moulé dans un maillot noir, escaladant des façades, se promenant sur les toits, surprenant leurs victimes dans le sommeil. La réponse qui s’impose à la question « QUI SONT-ILS ? » est que les Vampires sont des créatures cruelles et masquées. Quant à la réponse à la question « OÙ VONT-ILS ? », à savoir que les Vampires vont « VERS LE PIRE ! », elle sonne comme un arrêt de mort aussi bien pour les victimes des Vampires que pour les Vampires eux-mêmes. En allant « VERS LE PIRE ! », les Vampires préparent leur autodestruction ou se précipitent vers l’échafaud.

Revenons à l’incipit de Nadja : « Qui suis-je ? ». On sait que cette question est aussitôt suivie d’une référence à l’adage : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es », qui dans sa version familière signifie : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es ». Or, comme Breton met l’accent sur le verbe « hanter », le proverbe se traduit alors ainsi : « Dis-moi quels fantômes te hantent, je te dirai qui tu es ». Parmi les revenants qui hantent Breton vient en tout premier Jacques Vaché, le dandy des tranchées, le déserteur de l’intérieur, le maître de l’humour noir, mort le 6 janvier 1919 à Nantes après une trop forte ingestion d’opium. Mais on peut suggérer que les Vampires de Louis Feuillade figurent également parmi les fantômes qui habitent Breton. En effet, nous l’avons déjà vu, la question première qui se pose à propos des Vampires est celle de leur identité : « Qui sont-ils ? ». De plus, dans son introduction aux Lettres de guerre de Jacques Vaché de 1919, en un raccourci où se télescopent une affiche du film Les Vampires et la projection d’un épisode du film, André Breton relate le moment inoubliable de sa descente avec Jacques Vaché dans une salle obscure de Nantes : « Que voulez-vous que nous fassions ? La belle affiche : Ils reviennent. – Qui ? – Les Vampires, et dans la salle éteinte les lettres rouges de Ce soir-là. » Puis Breton poursuit, en interpellant son ami Jacques : « Tu sais, je n’ai plus besoin de prendre la rampe pour descendre, et sous des semelles de peluche, l’escalier cesse d’être un accordéon. » Notons en passant que l’affiche qui a tant frappé Breton : Ils reviennent. – Qui ? – Les Vampires, pose la question « Qui ? » consubstantielle aux Vampires et définit les Vampires comme des revenants.

Entrée de Musidora

Musidora et MorenoIrma Vep (Musidora) et Moreno (Fernand Hermann) dans le film Les Vampires de Louis Feuillade
Musidora et Moreno
Irma Vep (Musidora) et Moreno (Fernand Hermann)
dans le film Les Vampires de Louis Feuillade

Tout au long des dix épisodes des Vampires, Philippe Guérande, reporter au journal Le Mondial, est aux prises avec la bande des Vampires. En fait, ce n’est pas la police mais le journaliste qui mène la traque contre les Vampires aux méthodes sournoises ou expéditives, au point que très vite il y aura une lutte à mort entre Philippe Guérande et les chefs des Vampires, parmi lesquels le fascinant Moreno qui a fini par intégrer la bande après avoir rivalisé avec elle. Le troisième épisode des Vampires, Le Cryptogramme rouge, marque un tournant dans le feuilleton avec l’apparition de la chanteuse Irma Vep, dont le nom est l’anagramme de Vampire, comme le montre un superbe effet spécial sur l’affiche du cabaret où se produit la chanteuse. Du troisième au dernier épisode, Irma Vep, jouée par la comédienne Musidora, apparaîtra non seulement comme l’égérie des Vampires et la compagne de leurs chefs successifs mais aussi comme l’âme de la bande, tant elle s’engage à fond dans leurs expéditions criminelles. L’art du déguisement n’a aucun secret pour elle. On la découvre comme bonne bretonne chez Philippe Guérande, dactylographe dans une banque, nièce d’un baron, fils d’un colonel, réceptionniste dans un hôtel, ou encore grimée en vieille fille. Évidemment, sa tenue la plus insolite et ravageuse est celle de la vamp au collant noir, se faufilant dans l’obscurité et collaborant aux plus noirs desseins.

En 1922, Louis Aragon publie dans la revue surréaliste Littérature le plan de Projet d’histoire littéraire contemporaine remontant jusqu’à l’année 1913 et comprenant des dizaines et des dizaines d’entrées. Au bout du compte, Aragon ne rédigera qu’une vingtaine de chapitres, dont l’un consacré précisément au film Les Vampires. Pour le poète surréaliste, si durant la Grande Guerre l’exhibition des horreurs des tranchées accaparait la conscience des adultes, tout au contraire, c’était « le luxe, les fêtes, le grand orchestre des vices, l’image de la femme aussi, mais héroïsée, sacrée aventurière », qui attiraient le cœur des jeunes gens. Aragon évoque ainsi la formation de cet état d’esprit propre à la jeunesse : « L’idée que toute une génération se fit du monde se forma au cinéma, et c’est un film qui la résume, un feuilleton. Une jeunesse tomba tout entière amoureuse de Musidora, dans Les Vampires. » Et il ajoute encore : « Cette magnifique bête d’ombre fut donc notre Vénus et notre déesse Raison. » Mais comment expliquer cette fascination pour Irma Vep et ses acolytes ? Nous l’avons déjà dit, la formule des Vampires c’est d’aller vers le pire et de ne pas craindre d’en finir avec la vie. Les jeunes gens ne se demandaient pas quand la Grande Guerre allait finir mais comment le feuilleton cinématographique allait finir, quand et comment les Vampires allaient en finir avec la vie. Ou pour le dire dans le langage d’Aragon, les aventuriers Moreno et Irma Vep étaient dans « l’impossibilité d’éviter la catastrophe terminale ». Cela caractérisait les Vampires, et nous pourrions ajouter, cela caractérisait également Jacques Vaché.

Mirabelle, une autre Musidora

Musidora et une compliceIrma Vep (Musidora) et une complicedans le film Les Vampires de Louis Feuillade
Musidora et une complice
Irma Vep (Musidora) et une complice
dans le film Les Vampires de Louis Feuillade

Le jeune André Breton a lui aussi été amoureux de Musidora durant la guerre. Rappelons que Louis Aragon et André Breton se sont rencontrés pour la première fois à l’hôpital du Val-de-Grâce en septembre 1917. En fait, peu de temps avant cette rencontre, le 21 juillet 1917, André Breton lance des roses à Musidora sur la scène du théâtre Bobino à l’issue de la pièce Le Maillot noir, une pièce mêlant à l’intrigue une projection cinématographique[1]. Le 23 juillet, dans une lettre à Théodore Fraenkel, Breton transcrit un passage d’une lettre qu’il vient d’adresser à Musidora affirmant qu’un poète s’honorerait d’avoir pour interprète celle qui incarne pour certains une « moderne fée adorablement douée pour le mal ». Et il insiste auprès de Fraenkel : « Musidora est bien la femme moderne en quelque chose[2]. » Aragon, quant à lui, n’oublie pas Musidora dans son tout premier roman, Anicet ou le Panorama, publié en 1921. Le héros Anicet, portrait craché d’Aragon, assiste à l’étrange cérémonie d’un club des masques, au cours de laquelle sept masques, tous adorateurs de la belle Mire ou Mirabelle, la femme moderne par excellence, lui remettent un cadeau rare ou extravagant. Sous ces masques se cachent en fait Jean Cocteau, André Breton, Charlie Chaplin, Marinetti, un savant à la Paul Valéry, Picasso et Max Jacob. La souveraine et aventurière Mirabelle, dont Anicet est tombé follement amoureux, est de la trempe d’un Jacques Vaché, alias Harry James, un autre aventurier de haut vol, qu’elle a croisé sur son chemin et dont elle a eu un enfant. La voluptueuse et insolente Mirabelle est bel et bien une sœur jumelle de la Musidora des Vampires. Dans le feuilleton rocambolesque d’Aragon, qui conduit le jeune Anicet aux assises, avec en perspective le bagne ou la guillotine, les références au cinéma ne manquent pas. Première occurrence : quand, dans la salle obscure de l’Electric-Palace, Aragon et Breton échangent à haute voix des arguments sur l’action, les gestes et la vitesse propres au cinéma, ils prennent en exemple Pearl White, la vedette des Mystères de New York, le serial strictement contemporain et concurrent des Vampires. De plus, à cette même séance de cinéma, lors d’une séquence d’actualités portant sur un grand mariage à Paris, Aragon et Breton découvrent avec stupéfaction sur l’écran Mirabelle conduisant le cortège nuptial au bras du milliardaire Pedro Gonzalès. Il faut rappeler qu’au début du sixième épisode des Vampires, c’est aussi aux actualités cinématographiques portant sur l’assassinat d’un notaire à Fontainebleau que le journaliste Philippe Guérande et son complice Mazamette reconnaissent à leur grande surprise, parmi les badauds mêlés aux  enquêteurs, le chef des Vampires et Irma Vep travestie en jeune homme. Autre référence au cinéma : Anicet, qui s’est engagé à corps perdu dans les aventures les plus fantasques pour ravir Mirabelle au milliardaire, en vient à énumérer les accessoires mêmes des Vampires : « un costume collant noir comme ceux qu’on voit au cinéma, et des revolvers confortables, et des cordes à nœuds qui pendent dans la nuit. » De plus, lors d’une soirée chez le couple Gonzalès, les invités masqués assistent, après une époustouflante apparition de Mirabelle, à la projection d’un film relatant les divers épisodes de la vie édifiante et mélodramatique des deux hôtes de la soirée.

Musidora au cabaretIrma Vep dans le film Les Vampires
Musidora au cabaretIrma Vep dans le film Les Vampires

En résumé, quand Aragon imagine la belle Mire, il se représente en fait  Musidora en chair et en os. Trois indices supplémentaires le soulignent : 1. Dès sa première apparition dans Les Vampires, Irma Vep, dont le pouvoir de fascination passe par les yeux, entonne sur la scène du cabaret une chanson intitulée La môme Mirette. 2. Dans la revue Le Film de janvier 1919, Aragon sacre Musidora la muse du cinéma : « Je pourrais dire quelle exaltation nous allions chercher à quelques-uns, amis jeunes et insoucieux des préjugés littéraires, quand la dixième Muse, Musidora, jouait à l’écran l’épopée hebdomadaire des Vampires. » 3. Le 27 mars 1920, Musidora est à l’affiche d’une Manifestation Dada pour présenter, juste après les « tours de prestidigitation » de Louis Aragon, les « dernières Créations Dada ».

La bande des Vampires et le groupe surréaliste

Au sein de la bande des Vampires, Irma Vep apparaît au départ comme une parfaite exécutante, agile et sensuelle. Mais son ascendant est tel que le chef Satanas n’hésitera pas, pour la récupérer, à faire couler le navire qui la transporte vers une colonie pénitentiaire. Au dixième épisode, Irma Vep, qui est devenue sa complice et son égale, épouse Vénénos, l’ultime chef des Vampires, mais leurs « noces sanglantes » coïncideront avec l’anéantissement de la bande et la fin du film. Nous allons faire l’hypothèse que le groupe surréaliste en formation depuis la mort d’Apollinaire et la fin de la Grande Guerre se calque pour l’essentiel sur un modèle qui est celui de la bande des Vampires. Revenons un instant sur les quatre principaux personnages d’Anicet ou le Panorama. Dans ce roman, Mirabelle et Jacques Vaché sont deux aventuriers qui se sont aimés puis se sont séparés. Aragon et Breton sont présentés comme deux poètes, deux amis, le premier obnubilé par Mirabelle, le second par Jacques Vaché, mais qu’un funeste destin finira par écarter l’un de l’autre. À travers ces quatre personnages, la vamp moderne Mirabelle, le dandy suicidaire Jacques Vaché, le poète monte-en-l’air Aragon, le poète de haute école André Breton, à travers ces aventuriers scandaleux et masqués, on devine ce que la création du groupe surréaliste doit à la bande des Vampires et à l’imaginaire du ciné-feuilleton. Pour étayer notre hypothèse, rappelons deux faits : 1. Le 13 janvier 1919, André Breton adresse à Jacques Vaché, dont il ignore la mort, une lettre-collage où figure la découpure d’un dessin de Gus Bofa représentant un monte-en-l’air surgi d’une nuit d’encre, drapé dans une cape, dissimulé sous un loup, le dessin étant accompagné de cette légende fatale, inscrite de la main de Breton : « C’était vous, Jacques ! ». En fait, le dessin découpé par Breton illustre une nouvelle d’André de Lorde intitulée Le Bal Rouge, qui relate comment la comtesse de Lerne, donnant un brillant bal masqué, croit reconnaître, parmi les invités, son mari qui l’avait quittée. Or comme le personnage costumé objet de sa méprise n’est autre que le chef de la bande des Masques, la comtesse mourra étranglée. Ainsi, Breton identifie-t-il expressément Jacques Vaché au chef de la bande des Masques. De surcroît, accolée au dessin du chef des Masques, la découpure imprimée « DOUBLE FACE » souligne que Jacques Vaché, à l’instar de Musidora et des Vampires, est un as dans le déguisement. 2. Est révélatrice au plus haut point, mais concernant cette fois-ci André Breton, la dernière phrase de « L’Année des chapeaux rouges[3] » publié dans Littérature de mai 1922, dans laquelle le poète surréaliste avoue sans ambages être l’alter ego de Jacques Vaché du Bal Rouge ou bien l’égal du redoutable Fantômas que Louis Feuillade a porté aussi à l’écran : « Aussi bien les murs de Paris avaient été couverts d’affiches représentant un homme masqué d’un loup blanc et qui tenait dans la main gauche la clé des champs : cet homme, c’était moi. » Remarquons qu’il y a une différence entre Fantômas et les Vampires : Fantômas agit plutôt seul et sans présence féminine, tandis que les Vampires forment une bande dont la vamp Irma Vep est tour à tour la muse, l’égérie et le chef de bande.

Les yeux de Nadja et les yeux de Musidora

L’EnchantementDessin de Nadja (Léona Delcourt).
L’Enchantement
Dessin de Nadja (Léona Delcourt).

Le 4 octobre 1926, André Breton rencontre Nadja dans la rue, non loin des grands boulevards. Assurément, ce qui le frappe d’emblée, ce sont les yeux de Nadja. « Je n’avais jamais vu de tels yeux », écrit-il. Pour comprendre sa sidération face aux yeux de Nadja, Breton se lance dans une explication sur la manière dont la jeune femme se maquille les yeux en passant avec soin un crayon noir non sur la surface de la paupière mais sous la paupière et sur le bord de la paupière. On sait que Breton a encouragé Nadja à dessiner et qu’il a même envisagé, dans le cadre de la Galerie Surréaliste, d’éditer une boule de neige comportant le dessin de Nadja Delcourt intitulé « L’Âme des amants ». Or ce dessin, dont Nadja a réalisé diverses variantes sous les titres « La Fleur des amants » ou « L’Enchantement », représente, avec deux cœurs et deux paires d’yeux entrecroisées, une sorte de fleur épanouie, dont la tige est issue de la tête d’un serpent. Le dessin « La Fleur des amants » conjugue en fait les deux regards de Nadja et d’André. Cette insistance sur les yeux s’exprime aussi dans les lettres que Nadja adresse à son amant André. Le 22 octobre 1926, elle lui écrit : « Pourquoi dis, pourquoi m’as-tu pris mes yeux. » La lettre du 7 décembre s’achève ainsi : « Ferme les yeux là deux minutes et pense. Qui vois-tu ? ». Le 11 décembre, s’adressant à son « Knephen adoré » (Kneph étant un dieu serpent égyptien), Nadja compose une image fantasmatique ou un conte cruel : « Fauve aux dents de scie / Aux yeux envahissants / Tâtant sa proie de loin, pour mieux l’éprouver / Flairant dans les recoins, un parfum apprécié / Le regard endoyant […] ». Selon cette image frissonnante, c’est le fauve ou le serpent Breton, qui hypnotise, terrorise et se repaît de sa victime, Nadja en l’occurrence. Enfin, dans la lettre du 13 décembre 1926, le dessin de deux yeux féminins précède la signature de Nadja.

Affiche Musidoradessin de Guy Arnoux
Affiche Musidora
dessin de Guy Arnoux

Revenons à Irma Vep et aux Vampires. Le sixième épisode des Vampires, est sans doute le plus étonnant de tout le feuilleton. Il s’intitule « Les yeux qui fascinent ». En principe, au cours de cet épisode « les yeux qui fascinent » sont ceux de Moreno, le rival des Vampires.  Le beau Moreno, dans un premier temps, parviendra, par la puissance de son regard, à hypnotiser sa bonne afin qu’elle se substitue à Irma Vep dans son rôle de souris d’hôtel au collant noir. Et, dans un second temps, après avoir chloroformé et enlevé Irma Vep, Moreno réussira tout à la fois à l’hypnotiser et à la séduire. Il lui mettra un revolver entre les mains et lui ordonnera de tirer sur le premier homme qui franchira la porte. On verra alors la belle Irma abattre d’un coup de revolver le Grand Vampire venu la secourir. Mais Moreno n’est pas le seul à avoir des « yeux qui fascinent ». On découvre, dès sa première apparition dans le feuilleton, que la chanteuse Irma Vep possède elle aussi des grands yeux qui fascinent. Et les yeux de Musidora frappent d’autant plus le spectateur qu’ils sont ostensiblement fardés. De surcroît, dès que la vamp revêt sa cagoule et son collant noir, on ne voit plus que ses yeux. Toutes les affiches qui ont popularisé l’image de Musidora, en particulier celles de Guy Arnoux, soulignent d’une façon ou d’une autre la puissance du regard, les deux yeux étant cerclés de noir. Arrêtons-nous maintenant à l’affiche stylisée de Harford montrant la tête cagoulée de Musidora et ne laissant voir que ses yeux, un énorme point d’interrogation étant suspendu à son cou. Ce point d’interrogation, comme on s’en doute, est celui de la question « Qui ? », la question spécifique des Vampires, cette question « Qui ? » étant néanmoins suivie des questions « Quoi ? », « Quand ? » et « Où ? ». L’affiche étant centrée sur la question : « Qui ? », sous-entendu « Qui est cette femme cagoulée dont on n’aperçoit que les yeux ? », cela nous ramène évidemment aux yeux de Nadja et à l’incipit « Qui suis-je ? » du livre Nadja.

Les occasions de comparer Nadja et Musidora ne manquent pas. Premièrement, l’autoportrait de Nadja intitulé « Qu’est-elle ? » est affublé d’un énorme point d’interrogation,

Affiche Qui ?dessin de Harford
Affiche Qui ?
dessin de Harford

exactement comme dans l’affiche de Musidora où le graphisme du point d’interrogation met en valeur la question « Qui ? ». Deuxièmement, Nadja Delcourt, s’adonnant au racolage, soigne son maquillage des yeux et sa façon de se coiffer. De son côté, Musidora qui ne cesse de se déguiser a souvent les yeux cernés d’un maquillage. Troisièmement, comme elle le confesse dans ses lettres, tantôt, le 31 décembre 1926, Nadja se soumet au regard hypnotique de Breton, comparé à une lame protectrice tranchante, tantôt, le 28 janvier 1927, se sentant abandonnée par son amant, elle hallucine des loups aux yeux dévorants. En fait, c’est par les yeux qu’André Breton a envoûté Nadja Delcourt, mais c’est aussi par les yeux que Nadja a sidéré André. Cette forte relation hypnotique rappelle celle de Moreno et de la vamp Irma Vep, dont la caractéristique est que tous deux, comme l’indique le titre du sixième épisode des Vampires, ont des « yeux qui fascinent ».

Breton découpe les yeux des femmes aimées

Pendant l’été 1927, alors qu’il s’attelle à la rédaction de Nadja, André Breton n’est pas épargné par la passion amoureuse. L’amour sublime qu’il voue à Lise Meyer, à « la dame au gant », depuis leur rencontre au Bureau de recherches surréalistes, le 15 décembre 1924, cet amour sublime entre dans une phase d’amour-folie. Le 9 ou le 10 septembre 1927, il réussit même à entraîner Lise chez un photographe, chez qui ils se font tirer le portrait. Or Breton procède peu après à un double découpage. Comme l’attestent deux clichés conservés par celle qui prendra bientôt le nom de Lise Deharme, Breton découpe les yeux sur la photo de Lise et détoure son visage sur sa propre photo. Notons ici qu’en 1928, dans l’édition originale de Nadja, Breton publie les portraits photographiques de ses amis Paul Éluard, Benjamin Péret, Robert Desnos, de la comédienne Blanche Derval, de la voyante Madame Sacco, du professeur Claude de l’hôpital Sainte-Anne, ainsi que son propre portrait, mais il ne divulgue pas le portrait photographique de Nadja. C’est seulement en 1963, dans l’édition remaniée de Nadja que Breton introduira un découpage photographique des yeux de Nadja, ou plus précisément un photomontage reprenant quatre fois la même découpe des yeux de Nadja. Une question se pose alors : Breton avait-il découpé les yeux de Nadja à l’époque de leur rencontre ou bien a-t-il opéré le découpage à l’occasion de l’édition remaniée ? Avant de répondre à cette question, rappelons deux faits relatifs aux amours de Breton : 1. Le 26 octobre 1927, André Breton rompt définitivement avec Lise Deharme, qu’il n’aura jamais conquise. 2. Le 15 novembre 1927, c’est le coup de foudre entre Suzanne Muzard et André Breton, qui se traduit par une fugue d’un mois à Toulon. Témoignant plus tard de cette première rencontre, Suzanne Muzard écrira à propos de Breton : « […] le plus important était ses yeux, d’où se dégageait une puissance magnétique. » Sachant que l’amour-folie d’André Breton pour Suzanne Muzard durera plus de trois ans, entraînant, entre autres, le divorce entre Simone et André, il nous faut évoquer les deux pages qu’André Breton a consacrées à Suzanne Muzard dans son album photos. Sur l’une, Suzanne Muzard se coiffe dans une série de photomatons ou bien apparaît déguisée en bretonne. Sur l’autre, outre un cliché montrant Suzanne et André à Toulon, figure en place centrale un magnifique découpage des yeux de Suzanne. Récapitulons : en septembre 1927, Breton découpe les yeux de Lise ; en 1928, c’est au tour des yeux de Suzanne. Revenons à notre question : quand Breton a-t-il découpé les yeux de Nadja ? Notre hypothèse est que Breton qui a lui-même écrit à propos de Nadja : « Je n’avais jamais vu de tels yeux », a découpé les yeux de Nadja, à la fois dans le sillage du dessin « La Fleur des amants », comportant un entrecroisement des yeux de Nadja et des yeux de Breton et dans le sillage de l’affiche « Qui ? » des Vampires où les yeux découpés de Musidora tranchent sur la tête cagoulée. De plus, comme une version de cette affiche des Vampires alignait trois fois le même motif, il n’y a qu’un petit pas à franchir pour passer de cette affiche au photomontage des yeux de Nadja publié en 1963. Enfin, il n’est pas impossible, que la fin de la lettre du 22 octobre 1926 : « André, je t’aime. Pourquoi dis, pourquoi m’as-tu pris les yeux / Ta Nadja », veuille dire simplement que, le 21 octobre 1926, André avait découpé les yeux sur une photographie de Nadja.

Nadja hallucine des Vampires sur les toits

Une des caractéristiques des Vampires au collant noir est qu’ils escaladent les façades, s’introduisent par les fenêtres, les cheminées ou les vasistas et se promènent sur les toits. On retrouve même, lors d’une séquence spectaculaire, le chef des Vampires sur le toit d’un train en marche : poursuivi par Philippe Guérande, Vénénos décide de sauter du haut d’un viaduc sur le toit d’un train qui passe ; comme le journaliste saute à son tour, c’est sur le toit de wagons roulant à vive allure que se déroulera la poursuite et s’engagera la lutte entre les deux hommes. Revenons à Nadja et mettons en perspective deux faits. Le soir du 12 octobre 1926, Nadja, qui est avec Breton dans un train en partance pour Le Vésinet, aperçoit à deux reprises en haut de la portière la tête renversée d’un homme portant une casquette. Après vérification, Breton finit par convenir qu’il y avait bien un employé de chemin de fer à plat ventre sur le toit du wagon. Le 21 mars 1927, Nadja Delcourt est arrêtée à la suite du scandale qu’elle provoque dans son hôtel. Le docteur Logre qui l’examine à l’Infirmerie spéciale consigne par écrit les hallucinations visuelles suivies des appels au secours qui sont à l’origine de son arrestation : « Voyait des individus suspects sur le toit de sa maison. Appels au secours. Scandale. » En hallucinant des individus sur le toit, Nadja nous replonge dans l’imaginaire des Vampires.

Les Vampires de Louis Feuillade se promènent donc sur les toits des immeubles comme ils circulent sur les toits des trains. Si l’amoureuse, la fragile Nadja est sensible à cet imaginaire, Suzanne Muzard, la pétulante compagne d’André Breton, n’y est pas non plus étrangère. On peut citer à cet égard cet échange non concerté entre André Breton et Suzanne Muzard lors d’un jeu collectif de novembre 1928 :

« André Breton – Si tout s’envolait un jour de grand vent

Suzanne Muzard – Les somnambules se promèneraient plus que jamais sur le bord des toits. »

Nous avons répété que Musidora, la vamp et la chanteuse, l’aventurière et la fonceuse, partageait le destin de la bande des Vampires. Quant à Mirabelle, la femme sexy et moderne du roman Anicet ou le Panorama, elle est le point de mire du club des masques. En fait, il y a dans le groupe surréaliste comme dans la bande des Vampires une fuite en avant. Mais, tandis que les Vampires, fonçant vers le pire, se condamnent à mort, les surréalistes ne dévalent pas aussi facilement la pente de la mort. Les jeux collectifs les en distraient, la passion amoureuse et les durées hasardées les en dissuadent. Il reste cependant que l’imaginaire des Vampires imprègne le groupe surréaliste. C’est pourquoi, de même que la vamp Irma Vep devient la figure de proue des Vampires, des femmes ayant la même trempe s’imposent parmi les surréalistes. Ainsi Nadja Delcourt, l’amante et la voyante, est-elle le génie libre de la rue et de la rencontre. Ainsi, Suzanne Muzard, qui représente pour Breton la beauté convulsive, est-elle le génie libre de la provocation et du déchirement, plongeant André dans l’amour-folie et suscitant divers remous dans le groupe. Il y a jusque chez la sensible et volontaire Simone Breton, qui force l’admiration de plusieurs surréalistes, un aspect tenace et actif rappelant Musidora.

Musidora la vamp surréaliste

15-Musidora-vamp-surrealisteÀ l’automne de 1928, Louis Aragon et André Breton vivent un épisode dramatique ou mélodramatique. Le premier est épuisé par sa rupture avec Nancy Cunard et le second par son flottement entre Simone et Suzanne. C’est dans ces circonstances, curieusement, que tous deux écrivent en collaboration Le Trésor des jésuites, une pièce en trois tableaux se déroulant le 1er décembre de 1917, de 1928 et de 1939. Tirant sur les ressorts du music-hall et du cinéma, Aragon et Breton conçoivent une sorte de ciné-feuilleton tout à la gloire de Musidora et avec la participation de Musidora. Les emprunts au film Les Vampires sont patents. Un seul exemple : dans le tableau de 1917, une souris d’hôtel au collant noir, nommée Mad Souri, anagramme de Musidora, assassine un client détenant le plan du trésor des jésuites. D’autre part, il est déclaré dès le prologue que c’est dans le serial Les Mystères de New York ou dans le ciné-feuilleton Les Vampires « qu’il faudra chercher la grande réalité de ce siècle ».

Cependant, la représentation du Trésor des jésuites prévue pour le 1er décembre 1928 au théâtre de l’Apollo, n’a pas pu avoir lieu. Mais une coïncidence se produisit ce jour-là, en rapport d’ailleurs avec le thème de la « Catastrophe intime » traité dans le pièce : Suzanne Muzard se maria avec Emmanuel Berl, alors qu’auparavant elle avait poussé Breton à se séparer de Simone.

Musidora n’oubliera pas le rôle qu’elle devait tenir dans Le Trésor des jésuites. En 1947, sur l’envoi à André Breton de sa pièce de théâtre, La Vie sentimentale de George Sand, elle se dessine en vamp au collant noir tenant une torche électrique à la main et se désigne elle-même comme la « VAMP surréaliste ». Une coïncidence est à signaler à propos de la pièce sur la vie de George Sand : c’est dans le cadre du théâtre de l’Humour, sis au 42, rue Fontaine, donc dans l’immeuble d’André Breton, que Musidora a interprété le rôle de George Sand. De son côté, André Breton n’a pas non plus oublié Musidora ; il a conservé dans son atelier de la rue Fontaine une superbe affiche en couleurs de Musidora, signée Guy Arnoux.

La Gradiva de Jensen

En 1903, l’écrivain Wilhelm Jensen publie Gradiva, une fantaisie pompéienne. Norbert Hanold, un jeune archéologue allemand, est séduit par un bas-relief antique montrant une jeune femme enveloppée dans une longue robe et dans une curieuse position de marche. En effet, la robe étant légèrement relevée, on peut observer que le pied gauche est posé bien à plat tandis que le pied droit se dresse presque à la verticale. S’étant procuré un moulage, Norbert Hanold ne cesse de s’interroger sur cette singulière façon de marcher et baptise même la jeune femme du nom latin « Gradiva », qui signifie celle qui s’avance. Or, une nuit, il identifie Gradiva au cours d’un rêve qui le transporte à Pompéi, le jour fatal de l’éruption du Vésuve. Au réveil, alors qu’il s’accoude à la fenêtre, il aperçoit dans la rue la silhouette d’une femme ayant justement la démarche de Gradiva. Il se précipite hors de chez lui, mais en vain. Cela déclenche chez Norbert Hanold une irrésistible envie de s’enfuir, ce qui l’entraînera en Italie et au bout du compte à Pompéi. Là, un jour, à midi, à l’heure où les touristes désertent le site antique, il reconnaît la Gradiva du bas-relief et du rêve. Il est alors absolument persuadé de rencontrer une Pompéienne ressuscitée, une Gradiva rediviva. Ce récit haletant et énigmatique ne s’éclaircira que lors de la troisième rencontre à midi dans les ruines de Pompéi. Les yeux de Norbert Hanold se décilleront enfin. Il prendra conscience que le nom et l’image de Gradiva s’appliquent à une amie d’enfance chérie, se prénommant Zoé, autrement dit la vie, et se nommant Bertgang, autrement dit celle qui resplendit en avançant. Une jeune femme habitant en fait à deux pas de chez lui et retrouvée à Pompéi.

Bas-relief de Gradiva sur le mur du cabinet de Sigmund Freud.
Bas-relief de Gradiva
sur le mur du cabinet de Sigmund Freud.

En 1907, Sigmund Freud consacre une étude à la Gradiva de Jensen. Il y découvre une illustration de la théorie psychanalytique et en particulier une confirmation du refoulement inconscient et de l’interprétation des rêves. Le récit de Jensen et l’étude de Freud sont traduits en France en 1931. Les surréalistes s’en emparent aussitôt. Gradiva prend alors chez les poètes et les peintres surréalistes le relais de Musidora et de Nadja. Si, comme nous l’avons vu, Musidora, Mirabelle et Nadja sont surtout concernées par les questions « Qui sont-elles ? » et « Où vont-elles ? », Gradiva, quant à elle, prolonge ce questionnement sous cette double interrogation : « Qui est-elle ? » et « D’où vient-elle ? ». Qui est Gradiva ? Ce n’est pas une Pompéienne ensevelie sous la cendre du Vésuve et gravée dans la pierre, c’est Zoé Bertgang, une jeune femme vivante et resplendissante quand elle marche. D’où vient Gradiva ? Elle est contemporaine de Norbert Hanold et ne lui est pas inconnue. Ils jouaient ensemble étant enfants et ils résident actuellement dans la même rue de la même ville.

À travers les paroles, souvent à double entente, échangées entre Norbert Hanold et Gradiva, et alors que Norbert et Zoé sont inconsciemment ou consciemment amoureux l’un de l’autre, on découvre le rôle prépondérant de la jeune femme, qui sait s’adapter au délire de l’archéologue afin de mieux le contenir. Le fait est que c’est par ce biais qu’elle initie Norbert Hanold à l’amour et à la sexualité.

Salvador Dalí saisi par Gradiva

Zoé Bertgang alias Gradiva est donc cette femme qui fournit la clé des rêves de Norbert Hanold et met un point final à son délire. Et c’est grâce à elle que l’archéologue peut s’adonner à un éros érotique et amoureux. Or, si l’on se fie à La Vie secrète de Salvador Dalí, le livre que le peintre catalan a expressément dédié « à Gala-Gradiva, celle qui avance », la vie passionnelle de Salvador Dalí semble calquée sur l’histoire de Gradiva racontée par Jensen. En effet, jusqu’à la venue de Gala Éluard à Cadaquès en 1929, le peintre était soumis à un cocktail de délires et d’inhibitions. Mais avec la présence de Gala, qui choisira de vivre à ses côtés, Dalí pourra se défaire de ses entraves et surmonter ses souffrances. L’amour et la sensualité seront enfin au rendez-vous. La raison de cette délivrance est que Dalí a retrouvé sa Gradiva. Il a pu identifier Gala aussi bien à Galutchka qu’à Dullita, les deux fillettes qui successivement l’avaient accompagné dans ses jeux d’enfant et avaient déclenché certaines de ses rêveries. Quant à Gala, tout en se prêtant au jeu de Dalí, il semble qu’elle ait réussi à assouvir ses propres fantasmes. En tout cas, quand Dalí peint Gradiva, qu’il la représente de face, de profil ou de dos, il ne manque pas de dévoiler sa nudité et de souligner ses appâts. Cependant, la Gradiva de Dalí ne se réduit pas à la seule jouissance érotique. Derrière Éros veille Thanatos. Il arrive aussi que Gradiva séjourne dans un paysage de ruines, tenant une tête de mort au creux de la main.

De même que Musidora fait partie de la bande des Vampires et que Nadja est une figure majeure du surréalisme, Gala est indissociable du groupe surréaliste. Bien avant de se transfigurer en Gradiva pour Salvador Dalí, Gala Éluard avait composé, avec son mari Paul Éluard et le peintre Max Ernst, dont elle a été l’amante, un trio passionnel. Un recueil poétique tiré seulement à cinquante et un exemplaires en témoigne. Au début de 1925 paraît en effet un livre illustré intitulé Au défaut du silence mais ne comportant aucune mention d’auteur, d’illustrateur, d’éditeur, d’imprimeur, de date, de lieu, de prix. En fait, l’auteur se nomme Éluard et l’illustrateur a pour nom Max Ernst. Quant à l’ouvrage, il a pour unique objet Gala, ou plutôt le visage de Gala, que Max Ernst multiplie à souhait dans une vingtaine de dessins. Ainsi l’énoncé d’Éluard « Visage perceur de murailles » a-t-il droit à un amas de visages d’une Gala aux cheveux bouclés et au regard sombre. De même, ne manque pas d’inquiéter la réunion de dix visages de Gala illustrant cet autre énoncé : « La forme de tes yeux ne m’apprend pas à vivre. » L’insistance sur les yeux, comme sur le « visage perceur de murailles », semble indiquer que Gala est alors assimilée à Irma Vep de la bande des Vampires. À la même époque, Max Ernst réalise un agrandissement photographique du regard de Gala. Cette photo des yeux de Gala servira à illustrer le prospectus de La Femme visible de Salvador Dalí. Le peintre catalan, à partir de 1931, s’emparera de toute la personne de Gala pour en faire une Gradiva. Il la dessinera ou la peindra de pied en cap, bien campée dans son corps et sa chair, extatique dans la jouissance et nullement pétrifiée par la persistance de la mémoire.

Salvador Dalí, Gradiva retrouve les ruines, 1931
Salvador Dalí, Gradiva retrouve les ruines, 1931

Gradiva vint à sa rencontre

Musidora est une aventurière du présent, une vamp fatale jouant de ses yeux, de ses jambes et de ses travestissements. Gradiva, pour sa part, surgit du plus lointain passé. Mais c’est une revenante active qui n’invoque le passé que pour alléger le présent. Tel est le sens de sa démarche dansante ou planante. Gradiva  resplendit en s’avançant pour mieux se faufiler dans le temps. Elle est la messagère du hasard objectif et des durées magnétiques. Lorsque André Breton aperçoit Nadja Delcourt pour la première fois, il est subjugué par ses yeux, mais il remarque aussi que la jeune femme est si frêle « qu’elle se pose à peine en marchant ». Ce qui veut dire que Breton perçoit en Nadja une Musidora tout en ayant le pressentiment que Nadja a pu venir à sa rencontre tel un fantôme ou une revenante. En fait, les figures de Musidora et de Gradiva ne s’opposent pas logiquement mais temporellement. Si la vamp au collant noir est amenée à mourir, la jeune femme à la démarche souple est appelée à revivre. Musidora meurt au dixième épisode des Vampires, tandis que Gradiva renaît à la fin du récit de Jensen. D’un côté, Musidora au collant noir escalade les degrés de la vie pour plonger dans la mort, d’un autre côté Gradiva Rediviva remonte les degrés de la mort pour renaître à la vie.

Salvador Dalí, Gradiva, 1932
Salvador Dalí, Gradiva, 1932

Dans les années 1920, les surréalistes Aragon, Breton, Éluard ou Max Ernst sont en quête d’une aventurière sur le modèle de Musidora ou de Mirabelle. À certains égards, leurs compagnes Simone, Gala ou bien Nancy Cunard répondent à cette attente. Mais la recherche de Musidora ne s’interrompt pas pour autant. Le 4 octobre 1926, Breton rencontre Nadja, une jeune femme aux yeux fascinants. Mieux encore, est prévue pour le 1er décembre 1928 une représentation du Trésor des jésuites avec Musidora dans les rôles de Mad Souri et de Mario Sud. Cependant, sous Musidora se profile déjà Gradiva, comme on le découvre dans les dernières pages de Nadja. En effet, d’un côté, l’incipit « Qui suis-je ? » et l’hallucination d’individus sur le toit sont placés sous le signe des Vampires. Mais, d’un autre côté, la seule question qui se pose à la fin du livre est celle du retour espéré d’une femme qui a pris le relais de Nadja. Cette question du retour de Suzanne Muzard, tiraillée entre Emmanuel Berl et André Breton, ou plutôt de ses allers et retours, obsédera le poète surréaliste près de quatre ans. Durant cette période, l’orage de la passion tonnera en permanence.

En 1932, dans Les Vases communicants, Breton nous confie son désespoir face à l’absence de Suzanne et s’accroche à l’idée d’un pont entre le rêve et la veille. Une surprise nous attend.  La première partie des Vases communicants s’ouvre sur une épigraphe de la Gradiva de Jensen, et plus exactement sur les dernières lignes du récit : « […] et retroussant légèrement sa robe de la main gauche, Gradiva Rediviva Zoé Bertgang, enveloppée des regards rêveurs de Hanold, de sa démarche souple et tranquille, en plein soleil sur les dalles, passa de l’autre côté de la rue. » Cela signifie bien sûr que la Gradiva qui hante le récit de Jensen a des affinités avec la Suzanne qui hante Les Vases communicants. Parmi ces affinités, il y a le fait que pendant la fugue à Toulon, André et Suzanne ont imaginé qu’ils s’étaient croisés durant leur jeunesse dans leurs communes voisines de Pantin et d’Aubervilliers. On a le sentiment alors qu’à travers Suzanne Muzard l’image de Musidora s’estompe peu à peu au profit de celle de Gradiva baignant dans l’irréalité d’un rêve éveillé. Toutefois, si l’on devait se pencher sur le rêve du 16 août 1931 longuement analysé par Breton dans Les Vases communicants, on y percevrait une sorte de confrontation entre Musidora et Gradiva. Trois principaux personnages gravitent dans le rêve : Suzanne Muzard, jeune et fringante, Nadja Delcourt, sous l’apparence d’une vieille femme, folle et agressive, et Emmanuel Berl, présenté sous les traits de Nosferatu, du film Nosferatu le vampire. Quel est le désir inconscient du rêveur ? Selon nous, Breton désire le retour d’une Suzanne à l’image de Gradiva et du même coup le non-retour de Nadja déguisée en vieille folle à la manière d’Irma Vep. Quant à Berl, dont une certaine ressemblance avec Nosferatu semble avoir frappé Breton, précisons que s’il est assimilé au vampire ou au mort-vivant du film de Murnau, il est fort éloigné de la bande des Vampires du film de Feuillade. Dès lors, pour obtenir le retour de Suzanne, il faut à tout prix la soustraire au vampire Berl, et pour prévenir le retour de Nadja il faudrait l’amalgamer coûte que coûte à la bande des Vampires. Le rêveur a donc comme désir que Suzanne revienne telle Gradiva la revenante mais non tel Nosferatu le vampire. Notons, cependant, qu’il n’est pas si simple de fixer la différence entre la revenante Gradiva et le vampire Nosferatu, Breton lui-même avouant être fasciné par cet intertitre du film Nosferatu le vampire : « Quand il fut de l’autre côté du pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. »

Murnau, Nosferatu le vampire, 1922 et Dessin Tête de linotte
Murnau, Nosferatu le vampire, 1922 et Dessin Tête de linotte

La galerie Gradiva

« La nuit du tournesol » est au cœur de L’Amour fou, le troisième récit écrit par Breton après Nadja et Les Vases communicants. Le 29 mai 1934, André Breton rencontre dans un café Jacqueline Lamba. Il s’ensuit une longue promenade nocturne dans Paris, en particulier dans les petites rues du quartier des Halles. Or, quelques jours après, Breton prendra conscience que les circonstances de cette rencontre étaient déjà inscrites dans un poème datant du 26 août 1923. Voici les deux premiers vers du poème « Tournesol », qui mettent d’emblée Jacqueline Lamba dans le sillage de Gradiva :

La voyageuse qui traversa les Halles à la tombée de l’été
Marchait sur la pointe des pieds

Citons d’autre part ces trois autres vers qui classent la voyageuse des Halles parmi les survenants et associent l’amour à ces mêmes survenants :

Des survenants qu’on sait plus dévoués que des revenants
Les uns comme cette femme ont l’air de nager
Et dans l’amour il entre un peu de leur substance

Qui est donc Jacqueline Lamba, désignée par Breton comme « la toute-puissante ordonnatrice de la nuit du tournesol » ? Mieux qu’une revenante, Jacqueline est une survenante. D’abord, elle survient en faisant irruption de son propre chef dans la vie de Breton, connu d’elle comme écrivain. Ensuite, elle est une survenante identique à Gradiva aussi bien dans sa manière de se déplacer que dans son désir amoureux. Enfin, elle est la survenante du poème « Tournesol » qui resurgit en chair et en os dans la nuit du tournesol.

La galerie Gradiva, 1937
La galerie Gradiva, 1937

En 1937, André et Jacqueline Breton ouvrent au 31, rue de Seine, à Paris, une galerie faisant aussi office de librairie à l’enseigne de Gradiva. Tandis que la porte d’entrée en verre conçue par Marcel Duchamp joue sur la silhouette d’un couple enlacé, l’inscription peinte du nom de la galerie égrène des prénoms féminins : G comme Gisèle, R comme Rosine, A comme Alice, D comme Dora (on pense à Dora Maar), I comme Iñes, V comme Violette (on pense à Violette Nozières), A comme Alice. Le texte de présentation de la galerie précise d’abord la source du nom Gradiva : « Gradiva ? Ce titre, emprunté au merveilleux ouvrage de Jensen, signifie avant tout : CELLE QUI AVANCE. » Breton poursuit : « Qui peut bien être “celle qui avance” sinon la beauté de demain, masquée encore au plus grand nombre et qui se trahit de loin en loin au voisinage d’un objet, au passage d’un tableau, au tournant d’un livre ? » Ainsi la galerie Gradiva symbolise-t-elle, à travers les objets, les tableaux ou les livres surréalistes, la beauté en marche, la beauté de demain. Souvenons-nous que pour les jeunes dada-surréalistes Musidora représentait la femme moderne et Mirabelle la beauté moderne. Souvenons-nous que Suzanne Muzard, à la fin de Nadja, incarnait la beauté convulsive, la beauté nouvelle envisagée à des fins passionnelles. Il existe bel et bien un continuum de Musidora à Gradiva en passant par Nadja ou Suzanne. Sauf que Musidora meurt et que Gradiva renaît. Sauf que Nadja disparaît de la circulation alors que Suzanne s’en va et revient.

Le trapèze traître du temps

Reprenons le fil de notre histoire. Première séquence : la chanteuse Irma Vep, la souris d’hôtel au collant noir, mène la vie dure au journaliste Philippe Guérande puis succombe au dernier épisode des Vampires. Deuxième séquence : Nadja, le génie libre de la rue, tombe follement amoureuse d’André, hallucine des Vampires sur le toit, puis se met hors circuit. Troisième séquence : Suzanne Muzard, ballotté entre ses deux amants, obtient de chacun d’eux qu’il divorce, puis renonce finalement à Berl comme à Breton. Quatrième séquence : Gala choisit d’être la Gradiva de Dalí plutôt que la Musidora d’Éluard. Cinquième séquence : André Breton, dans son rêve du 16 août 1931, désire que Suzanne échappe aux griffes de Nosferatu et lui revienne telle Gradiva. Sixième séquence : Jacqueline Lamba, l’ordonnatrice de la nuit du tournesol, nous fait mieux comprendre en quoi Gradiva est une survenante plutôt qu’une revenante.

Musidora dans Les Vampires de Louis Feuillade
Musidora dans Les Vampires de Louis Feuillade

Remarquons que toutes les femmes concernées par ces séquences sont particulièrement énergiques ou actives. Irma Vep s’impose crânement dans la bande des Vampires. Il arrive que Nadja, dans sa correspondance, réplique vertement à Breton. Suzanne Muzard apparaît comme une empêcheuse de tourner en rond. Quand Gala se convertit en Gradiva, cela renforce son autorité auprès de Dalí. En ce qui concerne Jacqueline, elle ne manque pas d’audace à en juger par ce fait qui n’est pas rapporté dans L’Amour fou : dans une lettre du 15 décembre 1933, Jacqueline Lamba, alors inconnue de Breton, demande au poète de lui prêter l’édition des Cent vingt journées de Sodome établie par Maurice Heine[4].

Mais pourquoi l’image de Gradiva vient-elle éclipser celle de Musidora ? Si l’on s’en tient aux seuls critères physiques et psychologiques, rien ne distingue Gradiva de Musidora, qui toutes deux sont séduisantes et ont de l’énergie à revendre. En revanche, nous l’avons déjà dit, elles accusent une différence dans le registre temporel : tandis qu’Irma Vep court à la mort, Gradiva renaît ou survient. Justement les surréalistes, et c’est là un trait essentiel de leur mouvement, introduisent un chambardement dans le temps. En effet, depuis qu’ils sont sensibles au hasard objectif, telle que la coïncidence du poème « Tournesol » et de la nuit du tournesol, les surréalistes ne se règlent plus sur le temps chronologique de la modernité historique. Breton et ses amis sont à la recherche de durées magnétisées au gré du temps sans fil. Pendant que la souris au collant noir se faufile dans les hôtels, Gradiva qui se faufile dans le temps survient à point nommé.

Au début de L’Amour fou, Breton tente, selon ses propres mots, « un rétablissement au trapèze traître du temps ». Il invoque cette image acrobatique appliquée au temps après avoir imaginé une scène de théâtre occupée d’abord par un rang de sept ou neuf danseurs en habit noir assis sur un banc et barrée ensuite par une rangée de sept ou neuf femmes en toilettes claires assises sur une banquette. Qui sont ces girls ? Ce sont les femmes que Breton a aimées et qui l’ont aimé. Et qui sont ces boys de music-hall ? Ce sont les amants successifs qu’il a été. Mais quel visage domine dans cette rangée de girls ? Pour Breton il n’y a pas de doute que le dernier visage aimé imprime ses traits à toute la rangée. Cela ne veut pas dire que la femme aimée actuellement efface les amantes précédentes, mais bien au contraire que l’amour unique actuel embrasse les amours antérieures. Déjà, Breton envisageait une sorte de passage de témoin quand il écrivait le 15 avril 1930, que « Nadja, par un prodige de grâce et de désintéressement, en disparaissant » lui avait peut-être confié Suzanne Muzard[5]. En tout cas, Breton ne souhaite pas refouler dans quelque coin de l’inconscient l’un des amants qu’il a été, ni l’une des amantes qui l’ont délaissé ou qu’il a quittées. Breton n’oublie pas Suzanne, ni Nadja, ni Simone. Mais l’amour unique et réciproque auquel Breton aspire ressemble à un amour impossible. Car, comment cet amour, tel un pur diamant, peut-il à la fois briller de ses mille feux et refléter les mille facettes des amours antérieures ?

Qui ? Qui est-elle ? Qui sont-ils ? Quand Irma Vep et la bande des Vampires font leur apparition au cinéma, ils déclenchent aussitôt la question de leur identité.

Qui suis-je ? Qui est-elle ? Quand Breton et Nadja se rencontrent dans la rue, la question de leur identité personnelle se pose à nouveau. Ne seraient-ils pas en train d’interpréter, « Les yeux qui fascinent », le sixième épisode des Vampires, André dans le rôle de Moreno, Nadja dans celui d’Irma Vep ?

Où sont-elles ? Reviendront-elles ? À l’automne de 1928, ces deux questions se posent, pour Aragon et Breton, à propos de Nancy Cunard, de Nadja Delcourt et de Suzanne Muzard. En désespoir de cause, les deux surréalistes invitent Musidora à monter sur scène dans Le Trésor des jésuites.

Revient-elle ou survient-elle ? Dalí est persuadé que Gala est une Gradiva ressuscitant ses amours enfantines, tandis que Breton voit en Jacqueline Lamba une Gradiva déployant plusieurs femmes en une seule, une survenante messagère du temps sans fil.

Georges Sebbag

Notes

[1] Voir Patrick Cazals, Musidora la dixième muse, Paris, Henri Veyrier, 1978.

[2] Voir André Breton, Œuvres complètes, I, Le Trésor des jésuites, Paris, Gallimard, 1988, notice, p. 1745.

[3] « L’Année des chapeaux rouges » d’André Breton paraît dans Littérature, nouvelle série, n° 3, du 1er mai 1922. Ce texte sera repris en octobre 1924 à la fin de Poisson soluble qui,  rappelons-le, figurera à la suite du Manifeste du surréalisme, à titre d’application ou d’illustration poétique du concept de surréalisme.

[4] Catalogue de vente André Breton, Calmels Cohen, Paris, avril 2003, lot 1234.

[5] Catalogue de vente Bibliothèque de M. René Gaffé, Hôtel-Drouot, Paris, avril 1956, lot 33.

 

RéférencesCouv-Philia-n-2

« Musidora, Nadja et Gradiva » reprend la conférence « Musidora, Nadja et Gradiva / La femme et le surréalisme » prononcée le 28 novembre 2007 au MNAC de Barcelone à l’invitation de Lourdes Cirlot et Victoria Cirlot. Traduit en espagnol, ce texte a d’abord été publié dans Philía, n° 2, printemps 2008, revue de la Bibliothèque mystique et philosophique Alois M. Haas, Université Pompeu Fabra, Barcelone, avec 8 illustrations. Il paraît ensuite en français dans Histoires littéraires, n° 37, janvier-février-mars 2009, « Dossier Surréalisme », avec 21 illustrations.