Bulletin international du surréalisme, Prague-Tenerife-Bruxelles-Londres, 1935-1936

BULLETIN international du surrealsime

 

 

Du 27 mars au 10 avril 1935, André et Jacqueline Breton, Paul et Nush Éluard, séjournent à Prague. Le mois suivant, le couple Breton et Benjamin Péret voyagent aux Canaries. Un an après, en juin-juillet 1936, Breton, Éluard et Dalí participent activement à l’Exposition internationale du surréalisme qui se tient à Londres. Ainsi un surréalisme itinérant venu de Paris fait-il tour à tour sa jonction avec le groupe surréaliste tchèque déjà bien en place, avec les sympathisants surréalistes canariens de la revue Gaceta de arte et pour finir avec le groupe surréaliste anglais en formation. C’est à l’occasion de la tournée européenne et canarienne d’André Breton qu’est conçu et publié le Bulletin international du surréalisme. Au total, ce sont quatre numéros du Bulletin international du surréalisme, y compris le numéro dû aux surréalistes de vieille date que sont les surréalistes belges, qui sont édités successivement à Prague, à Santa Cruz de Tenerife, à Bruxelles et enfin à Londres.

Le surréalisme s’internationalise

Si on met à part le numéro de Bruxelles rédigé uniquement en français, le Bulletin international du surréalisme se résume, en dehors des illustrations, à une longue déclaration bilingue courant sur deux colonnes contresignée par les surréalistes du cru et ceux de Paris et évoquant tantôt les diverses manifestations réalisées en commun, tantôt la question pendante des rapports entre l’art et la révolution. À Prague, Nezval, Štyrský, Teige, Toyen et cinq autres tchécoslovaques mêlent leurs signatures à celles de Breton et d’Éluard. À Santa Cruz de Tenerife, Espinosa, García Cabrera, López Torres, Pérez Minik et Westerdahl s’accordent avec Breton et Péret. En ce qui concerne le Bulletin international du surréalisme de Londres, il a été lu et approuvé autant par Breton, Éluard, Mesens et Man Ray que par dix-huit surréalistes anglais, parmi lesquels Hugh Sykes Davies, David Gascoyne, Henry Moore, Roland Penrose et Herbert Read. Quant au Bulletin international du surréalisme publié à Bruxelles en août 1935, il se présente différemment, car il comprend, d’une part, le « Discours au Congrès des écrivains pour la défense de la culture » d’André Breton, dont on sait qu’il a été lu par Paul Éluard à la tribune du Congrès deux mois auparavant à l’issue d’un véritable forcing coïncidant d’ailleurs avec le suicide de René Crevel, et d’autre part une mise au point politique de douze surréalistes belges dénonçant le récent pacte franco-soviétique qui selon eux ferait la part belle au nationalisme en France et en Russie au détriment de la Révolution prolétarienne mondiale.

Comment sont conçues les trois déclarations du Bulletin international du surréalisme ayant reçu l’aval des surréalistes parisiens et de leurs hôtes ? La déclaration de Prague, en tchèque et en français, qui situe d’emblée le surréalisme sur un terrain transnational et translinguistique, est un collage ostensible de citations empruntées pour l’essentiel à André Breton et au communiste Záviš Kalandra accordant un satisfecit à la démarche scientifique adoptée par Breton dans Les Vases communicants et soulignant que le surréalisme n’est ni apolitique ni exclusivement politique. La déclaration du Bulletin de Prague s’achève sur l’interview de Breton et Éluard à un organe ouvrier tchécoslovaque au cours de laquelle est affichée la volonté d’internationaliser les idées surréalistes, est revendiquée l’adhésion au matérialisme dialectique de Marx, est proclamée la confiance des surréalistes en la pensée allemande, et est même envisagée la rédaction dans plusieurs langues de manuels matérialistes d’histoire littéraire et artistique. Ce qui frappe, dans ce premier numéro du Bulletin international du surréalisme, c’est le désir de ménager le parti communiste tchécoslovaque dans la mesure où ce dernier est à même d’apprécier le surréalisme comme une avant-garde révolutionnaire sur le terrain artistique et sur le plan politique.

Si l’ombre du parti communiste local plane à Prague sur les surréalistes, il n’en va pas de même aux Canaries où les collaborateurs de la revue Gaceta de arte, qui sont des socialistes ou des révolutionnaires marxistes, n’ont pas à supporter le fardeau d’un parti communiste. C’est sans doute pourquoi la déclaration en espagnol et en français du Bulletin international du surréalisme prend une tournure différente. Cette déclaration collective comprend deux volets, l’un concerne les visiteurs et l’autre plutôt leurs hôtes. Le premier volet, de loin le plus fourni, reprend des passages de la conférence de Breton à l’Ateneo de Santa Cruz de Tenerife et reproduit l’entretien de Breton avec la revue socialiste de culture Indice. Parmi les points abordés par André Breton, il faut relever : a) la découverte ou la création d’un mythe collectif, objectif inhérent au surréalisme ; b) le recours à l’inconscient freudien, à l’exception de ses présupposés métaphysiques ; c) La Mort de Marat de Picasso, eau-forte reproduite dans le Bulletin, bel exemple d’un art révolutionnaire tournant le dos au réalisme socialiste et à l’art de propagande ; d) une attaque en règle du communiste Aragon, traître à la cause surréaliste ; e) la référence positive, comme dans le Bulletin de Prague, au Premier Congrès des écrivains soviétiques de 1934.

Pour ce qui est du second volet du Bulletin de Tenerife, la polémique bat son plein contre un journal catholique de Tenerife scandalisé par les tableaux de l’exposition surréaliste, contre le pseudo avant-gardiste Gimenez Caballero, contre l’écrivain Alberti présenté comme l’équivalent espagnol d’Aragon, contre la revue Cruz y Raya, et plus surprenant, contre Madrid où « tous les marchands de vieille camelote se sont donné rendez-vous », contre la capitale de l’Espagne qui n’a fait qu’éclabousser de son confusionnisme et de son « analphabétisme de salon » la médiocre vie intellectuelle des provinces. Il va de soi que seule l’île de Tenerife, « pointe poétique de l’Espagne », échappe à cette médiocrité générale. Pour finir, la déclaration signée par Breton et Péret et les sympathisants surréalistes de Gaceta de arte se conclut sur une série de slogans défensifs : contre la guerre, contre le fascisme, contre la patrie, contre la religion, contre l’art de propagande, contre les écrivains réfugiés dans leur tour d’ivoire et contre la régression culturelle.

Selon le Bulletin de Prague, un dialogue est possible entre les surréalistes et le parti communiste tchécoslovaque. Selon le Bulletin de Tenerife, le groupe surréaliste de Paris poursuit des objectifs communs avec Gaceta de arte, la seule revue d’avant-garde culturelle d’Espagne. Quant au Bulletin de Bruxelles, il exprime l’entente tacite des surréalistes belges et des surréalistes parisiens en publiant le discours offensif d’André Breton au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture. Tout autre chose apparaît dans le Bulletin international du surréalisme de Londres, qui date, rappelons-le de l’été 1936, c’est la proclamation de la naissance du groupe surréaliste anglais à l’occasion de l’Exposition internationale du surréalisme aux New Burlington Galleries. Pourquoi les Anglais ont-ils tardé à rallier le surréalisme ? Deux explications sont notamment avancées : la tradition individualiste propre aux Anglais et le subtil évitement par les élites de toute tension sociale. Autre originalité du Bulletin de Londres : les positions surréalistes sont explicitées non par Breton mais par Herbert Read et Hugh Sykes Davies. Enfin, le Bulletin  n’est pas tendre avec la manière dont la presse a rendu compte de l’Exposition, en particulier la presse communiste qui s’est fait un devoir de propager les déclarations anti-surréalistes d’Aragon.

Assurément, le Bulletin international du surréalisme nous en dit long sur l’internationalisation du surréalisme. Toutefois, les quatre numéros de huit à vingt pages de ce modeste bulletin ne peuvent pas rivaliser pas avec le numéro spécial « Intervention surréaliste » de la revue bruxelloise Documents 34, dans lequel les surréalistes parisiens et belges font cause commune en juin 1934, ni surtout avec la luxueuse revue Minotaure éditée à Paris par Albert Skira. On sait que les surréalistes parisiens sont les principaux animateurs et rédacteurs de cette prestigieuse revue. Dans cette vitrine du surréalisme, largement ouverte à Dalí et Éluard, à Man Ray et Max Ernst, à Miró et Masson, André Breton publie, dans la seule période de 1933 à 1936, d’importants textes comme « Picasso dans son élément », « Le message automatique », « La beauté sera convulsive », « Phare de la mariée », « La grande actualité poétique », « La nuit du tournesol », « Le château étoilé », « Le merveilleux contre le mystère ». L’enquête typiquement surréaliste de Minotaure : « Quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? », suscite cent quarante réponses, parmi lesquelles celles d’Huxley, de Jung, de Kandinsky, de Keyserling ou d’Ezra Pound. Les surréalistes pourront même se targuer, dans Minotaure daté « Hiver 1937 », d’avoir conquis la planète, comme en témoignent les dizaines de publications reproduites sur trois pages provenant d’Angleterre, de Belgique, du Danemark, d’Égypte, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, du Japon, du Pérou, de Pologne, de Roumanie, de Suède, de Suisse, d’URSS, de Yougoslavie et de Tchécoslovaquie. Il est incontestable aussi que, de 1935 à 1937, se sont succédé avec un réel retentissement des Expositions surréalistes à vocation internationale à Copenhague, Santa Cruz de Tenerife, Londres et Tokyo.

Les aléas du calendrier

Cependant, les quatre numéros du Bulletin international du surréalisme, qui narrent la fraternisation des groupes surréalistes, qui évoquent le succès public des conférences ou des expositions, qui précisent les positions idéologiques du surréalisme, laissent apparaître des variations dans les relations entre groupes et certaines fluctuations dans la pensée doctrinale. Replaçons les quatre livraisons du Bulletin international du surréalisme dans leur époque et dans un calendrier plus strict.

  • Mars-avril 1935 : à Prague le courant passe, à l’échelle locale, entre le groupe surréaliste et certains communistes ; Breton et Éluard sont tentés de rejouer alors le scénario déjà ancien de la jonction entre le groupe surréaliste et les rédacteurs de la revue communisante Clarté ou bien le scénario aussi ancien de l’adhésion au parti communiste.
  • Mai 1935 : à Tenerife, la revue insulaire et internationale Gaceta de arte qui promeut l’architecture moderne et l’art abstrait, la poésie et la peinture surréaliste, est de fait la seule revue culturelle d’avant-garde en Espagne ; surréalistes parisiens et poètes canariens se reconnaissent alors non pas comme deux groupes surréalistes mais comme deux groupes d’avant-garde.
  • Juin 1935 : alors que Breton vient d’être accueilli en grande pompe à Prague, à Zurich et à Tenerife, il échoue à organiser à Paris avec ses amis un Cycle systématiques de conférences portant sur des sujets tels que « la physionomie surréaliste d’une rue », l’activité paranoïaque-critique, la femme surréaliste, le hasard objectif ou les objets surréalistes. La seule conférence prévue à connotation politique a pour titre : « Le surréalisme disparaîtra-t-il avec la société bourgeoise ? ». Le 25 juin 1935, le discours d’André Breton, lu par Éluard au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, met le feu aux poudres en dénonçant le pacte d’assistance mutuelle entre l’Union soviétique et la France.
  • Août 1935 : tandis que le groupe surréaliste belge se montre critique vis-à-vis du pacte franco-russe dans le Bulletin international du surréalisme édité à Bruxelles, le groupe surréaliste de Paris va plus loin encore en publiant la brochure Du temps que les surréalistes avaient raison, qui s’achève par cette péroraison montrant du doigt le régime soviétique et son chef Staline : « Ce régime, ce chef, nous ne pouvons que leur signifier formellement notre défiance. » En ce mois d’août 1935, vingt-six surréalistes, dont les belges Magritte, Mesens, Nougé et Souris, et le canarien Óscar Domínguez, tirent un trait définitif sur Staline, sur la Russie et sur le parti communiste français, symbolisé à leurs yeux par Aragon, l’ancien ami devenu leur adversaire. Il est à noter qu’aucun surréaliste praguois n’a contresigné Du temps que les surréalistes avaient raison, la brochure rédigée par Breton.
  • Octobre 1935 : l’heure n’est plus à la fraternisation entre les surréalistes de France et d’ailleurs mais à la liaison entre deux groupes d’intellectuels révolutionnaires, le groupe surréaliste et le groupe des proches de Georges Bataille, qui pour la plupart sont dans la lignée de La Critique sociale, la revue de Boris Souvarine. Cette Union de lutte des intellectuels révolutionnaires adopte le nom de Contre-Attaque. Le manifeste fondateur de Contre-Attaque, écrit par Georges Bataille, se veut une alternative à la phraséologie du parti communiste, dont la stratégie politique a mené le mouvement ouvrier au désastre en Italie comme en Allemagne.
  • Novembre-décembre 1935 : Bataille, qui a déjà analysé la « structure psychologique du fascisme », et Breton, qui a déjà appelé à la création d’un « mythe collectif », mettent tous deux l’accent, lors des réunions de Contre-Attaque, sur les phénomènes de psychologie collective. Tandis que Bataille lance l’idée d’un Front populaire dans la rue, Breton entend élaborer un « plan d’exaltation générale ».
  • Avril 1936 : à la suite de dissensions internes, le groupement Contre-Attaque, qui proclamait le primat de l’affectif sur la rationnel, est dissout ; la future société secrète Acéphale, animée par Georges Bataille, se démarquera de Contre-Attaque par un apolitisme exacerbé, par une critique énergique des idéologies politiques. En ce qui concerne les surréalistes, l’épisode de Contre-Attaque ne sera pas une simple parenthèse, il contribuera à distendre les liens qui unissaient jusque-là Éluard et Breton.
  • Juin-juillet 1936 : Breton et Éluard ne séjournent pas ensemble à Londres lors de l’Exposition internationale du surréalisme, ils ne font que s’y croiser ; c’est une différence notable avec le voyage triomphal à Prague. En revanche, pour leurs hôtes anglais, l’Exposition internationale du surréalisme et le Bulletin international du surréalisme consacrent la naissance d’un groupe surréaliste en Angleterre.

Un surréalisme hétérodoxe

Il semble qu’il faille, à l’issue de ce rappel chronologique, jeter un autre regard sur les quatre livraisons du Bulletin international du surréalisme. D’abord, il nous faut nous ôter de l’idée que le surréalisme international serait guidé de Paris comme l’internationale communiste est dirigée depuis Moscou. Il existe un surréalisme international, il n’y a pas d’internationale surréaliste. En fait le surréalisme international est à l’image du surréalisme belge qui n’a jamais été à la remorque de Paris et qui est resté diversifié. Ensuite, le groupe surréaliste de Paris a non seulement entretenu de nombreux échanges avec les surréalistes de Prague, de Tenerife et de Belgique, de mars à août 1935, mais juste après, au cours de la période de Contre-Attaque, il a envisagé des relations de connivence ou d’alliance avec les amis de Georges Bataille, affirmant en particulier la nécessité de renouveler le vocabulaire marxiste et même d’adapter, et non plus d’adopter, la pensée de Hegel. C’est ainsi qu’on doit comprendre que le surréalisme est foncièrement hétérodoxe, qu’il est moins soucieux de recruter des adeptes aux quatre coins du monde que de renouveler ses expériences et sa pensée. Son cheval de bataille d’alors, si l’on ose dire, est de créer un mythe nouveau. Enfin, il est patent que les surréalistes canariens ou anglais sont indépendants des surréalistes de Paris ; c’est ainsi que, dans les déclarations collectives du Bulletin de Tenerife ou de Londres, la version française paraît souvent plus âpre que la version espagnole ou que la version anglaise. Ce n’est peut-être pas un hasard si ce passage en français est omis dans la version espagnole : « Gimenez Caballero avec Sanche Mazas, Mourlane Michelena et Eugenio Montes représentent pour l’Espagne le retour aux anciennes formes ataviques, le service à la solde d’un fascisme canaille et la concrétion des détritus des vieux cloaques espagnols. »

Le Bulletin international du surréalisme ne se contente pas d’être un bulletin officiel ni un simple organe de liaison entre groupes surréalistes. Son illustration de couverture se veut insolente ou éruptive : le collage de Štyrský, Le Rêve 1935, détourne le tableau d’Édouard Detaille Le Rêve en implantant une machine à coudre au cœur du champ de bataille ; le tableau de Magritte La Gâcheuse montre un buste nu féminin surmonté d’un crâne ; sur la photo de couverture du Bulletin de Londres, impossible d’identifier la femme qui se tient à Trafalgar Square parmi les pigeons tout vêtue de blanc et gantée de noir, un bouquet de roses lui occulte la tête. On ne peut pas s’y tromper, en feuilletant le Bulletin international du surréalisme, les images nous avertissent que nous sommes en effet en pays surréaliste.

La série des quatre numéros du Bulletin international du surréalisme n’est pas plus l’addition de quatre déclarations collectives que la redite d’un même dialogue entre deux groupes surréalistes. Le Bulletin de Prague laisse entendre que surréalisme est reconnu comme une avant-garde artistique par le parti communiste tchécoslovaque. Le Bulletin de Tenerife est un bel échange de procédés entre le surréalisme, avant-garde culturelle en Europe, et Gaceta de arte, avant-garde culturelle en Espagne. Le Bulletin de Bruxelles stipule clairement que les surréalistes belges, comme les surréalistes de Paris, voient d’un mauvais œil le pacte d’assistance franco-soviétique. Quant au Bulletin de Londres, qui ne dit mot sur l’épisode de Contre-Attaque, il enregistre la naissance d’un nouveau groupe surréaliste.

Déjà les titres de revue, La Révolution surréaliste et Le Surréalisme au service de la révolution indiquaient que, face à la révolution, les surréalistes de Paris ne savaient pas sur quel pied danser. À Prague, Breton et Éluard font mine de croire, une dernière fois, qu’ils vont entraîner dans la danse un parti communiste. Aux Canaries, Breton et Péret s’adonnent, une dernière fois, à un échange fructueux entre avant-gardes. Mais au mois d’août 1935, le couperet tombe avec la brochure Du temps que les surréalistes avaient raison. Il n’est plus question alors de solliciter les bonnes grâces d’un parti communiste ni de servir la révolution soviétique. C’est pourquoi le Bulletin de Londres saluera avant tout la naissance d’un groupe surréaliste pour ne pas s’étendre sur le début de désenchantement de Breton vis-à-vis de la révolution politique ni étaler ses dissensions avec Éluard.

En fait, le surréalisme ne joue pas dans la cour des avant-gardes artistiques ou politiques. Et quand cela lui arrive, comme dans le Bulletin international du surréalisme, il participe à un jeu de dupes. Le surréalisme n’est ni un canon, ni un dogme, pas plus un modèle qu’on imite, qu’un drapeau qu’on brandit. C’est avant tout un collagisme fait de rencontres et d’emprunts au gré du temps sans fil. Le collagiste André Breton, « receveur de Contributions Indirectes », selon ses propres termes de 1918, a sans doute voyagé à Prague, aux Canaries ou à Londres pour rencontrer des amis surréalistes mais aussi pour y vivre avec Jacqueline Lamba un bel épisode de L’Amour fou. Il ira bientôt visiter d’autres cieux au Mexique, où il aura un véritable échange intellectuel avec Léon Trotsky, avant de devoir lui-même s’exiler à New York.

Georges Sebbag

Références

« Bulletin international du surréalisme, Prague-Tenerife-Bruxelles-Londres, 1935-1936 », préface à la réimpression du Bulletin international du surréalisme, L’Âge d’homme, 2009.