aa 328 Transparences

Couverture architecture d'aujourd'hui

Transparences, ouvrage collectif, études présentées par Pascale Dubus, éd. de la Passion, 1999, 13 x 21 cm, 11 ill. N/B, 144 p.

Deux articles tranchent dans ce recueil, les deux études complémentaires de Thierry Paquot et Marc Perelman qui ont pour thème « transparence et architecture ». Thierry Paquot, dans une perspective historique, distingue trois œuvres de verre. D’abord, il insiste sur le Crystal Palace de Joseph Paxton (1803-1865), édifié à l’occasion de l’Exposition universelle de Londres de 1851 ; on sait que des millions de visiteurs furent éblouis, outre l’exploit technique, par la nouveauté radicale et le volume de cette énorme serre de 1 851 pieds de longueur. Paquot remarque au passage que l’idéal de transparence ne concerne pas le nouveau monde amoureux, le phalanstère de l’utopiste Charles Fourier, dont le modèle architectural est celui des galeries couvertes et peu éclairées du Palais Royal. Ensuite il évoque les théories et les travaux de l’ingénieur-chimiste Jules Harivaux (1848-1913), inventeur du « verre grillagé » et de l’opaline, grand militant du verre dans le bâtiment, auteur de l’article de novembre 1898, « Une maison de verre ». Et il cite les héritiers nombreux et variés de Harivaux, depuis Gropius ou Loos jusqu’à Johnson, en passant par Charreau et Le Corbusier. La troisième œuvre qu’il évoque est le film intitulé La Maison de verre que le cinéaste russe Eisenstein envisage de tourner à Berlin en 1926. Effectuant des repérages dans l’hôtel Hessler, tout en verre, il préférence renoncer, découvrant l’impossibilité de tourner sans « briser la maison ». Si dans l’ensemble Paquot a une conception nuancée de la transparence en architecture, il n’en est pas de même avec Marc Perelman. Ce dernier, dans une réflexion fouillée et argumentée, et en en appelant à Paul Scheebart et à Walter Benjamin, fait à la fois le procès du verre et de l’architecture moderne. Insistant sur la nécessité de la clôture, de la vision active, de la séparation intérieur / extérieur, Perelman considère que le courant moderne par son emploi outrancier du verre a adopté un point de vue résolument antidialectique, travaillant pour la mort et non pour la vie. Un mot résume la situation, celui de « vitrification », surtout si on entend ce terme au sens muséal de mise sous verre ou au sens militaire d’annihilation. Le débat reste ouvert : où va-t-on loger la lumière ?

Georges Sebbag

Actualites-TransparencesRéférences

« Transparences », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 328, juin 2000.