Littérature / La Révolution surréaliste / L’Archibras

Littérature (mars 1919-juin 1924)

En mars 1919, le trio Aragon-Breton-Soupault fonde Littérature, que le Dictionnaire abrégé du surréalisme qualifiera de première revue surréaliste. Un mois plus tard, Breton et Soupault inventent l’écriture automatique des Champs magnétiques. Au départ, tout semble rapprocher les trois directeurs de la revue : la révolte, la poésie, l’amitié. Pourtant, Soupault se détachera peu à peu du groupe surréaliste en formation. De mars 1919 à mai 1921, l’entente règne, 19 numéros paraissent. Ensuite, Soupault, unique directeur du n° 20 consacré au procès Barrès, devient le co-directeur avec Breton pour trois numéros de Littérature, nouvelle série dont la couverture est illustrée par Man Ray. Enfin, de septembre 1922 à juin 1924, secondé par Aragon et soutenu par Francis Picabia, Breton apparaît comme le meneur incontesté de la revue.

Le sommaire du premier numéro pourrait donner l’impression que Littérature a pris la succession des revues modernistes Sic de Pierre Albert-Birot et Nord-Sud de Pierre Reverdy : sept écrivains consacrés (André Gide, Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, André Salmon, Max Jacob, Pierre Reverdy, Blaise Cendrars) précèdent trois nouvelles figures (Jean Paulhan, Aragon, Breton). Mais dès les numéros 2 et 3, la publication de Poésies d’Isidore Ducasse, que Breton est allé recopier à la Bibliothèque nationale, change tout. Ducasse, alias le comte de Lautréamont, s’impose comme le poète et le penseur tutélaire du surréalisme. Autres coups d’éclat : durant l’été 1919, parution simultanée dans la revue et en volume des Lettres de guerre de Jacques Vaché, l’inventeur de l’umour sans h, mort par overdose d’opium le 6 janvier 1919 ; prépublication de fragments des Champs magnétiques dans les numéros d’octobre, novembre et décembre 1919.

Parmi les collaborateurs réguliers de la première série de Littérature, on trouve, outre les trois directeurs, Tristan Tzara, Paul Éluard, Pierre Drieu La Rochelle et Max Jacob. Littérature n° 13 de mai 1920 se réclame ouvertement de Dada avec la publication de « Vingt-trois manifestes du mouvement Dada » par Aragon, Walter Conrad Arensberg, Céline Arnauld, Arp, Breton, Paul Dermée, Éluard, Picabia, Georges Ribemont-Dessaignes, Serner, Soupault, Tzara. Mais c’est plutôt là une exception. En tout cas, c’est dans cette revue que figurent la première enquête surréaliste et les premières recherches surréalistes. La plupart des quatre-vingt-trois réponses à l’enquête « Pourquoi écrivez-vous ? » permettent de dévoiler la suffisance et le conformisme des écrivains de l’époque. En mars 1921, sous le titre « Liquidation », paraît un tableau de près de deux cents noms notés de -25 à +20 par onze participants. Au-delà de son aspect ludique et parodique, la notation scolaire des gloires du présent et du passé donne l’occasion aux dada-surréalistes de réviser les valeurs littéraires ou artistiques établies. En fait, le collectif surréaliste exercera à maintes reprises sa faculté de distinguer le détestable du louable, le suranné de ce qui reste d’actualité. En octobre 1923, les surréalistes affichent sous le titre « Erutarrétil », qui prend à rebours le nom de la revue, une constellation de soixante et onze noms allant de Hermès Trismégiste à Roussel, des noms de prédécesseurs scintillant à des degrés divers dans le firmament surréaliste : les noms de Young, Sade, Lewis, Rabbe, Lautréamont et Vaché brillent de tous leurs feux.

Jacques Baron, Robert Desnos et Benjamin Péret sont actifs dans la nouvelle série de Littérature où désormais Picabia prend la place de Tzara. Desnos qui s’identifie à Duchamp multiplie les jeux de mots sur Rrose Sélavy : « Croyez-vous que Rrose Sélavy connaisse ces jeux de fous qui mettent le feu aux joues ? » « Rrose Sélavy fonde une banque antarctique sur la banquise antiartistique. » Péret rivalise avec le cinéma burlesque dans son conte « Pulchérie veut une auto » présenté d’ailleurs comme un « film ». Breton relate, sous le titre « Entrée des médiums », l’importante expérience collective de sommeils hypnotiques où officient Crevel, Desnos et Péret. Le tragique côtoie l’humour dans deux essais d’écriture théâtrale : « Vous m’oublierez » par Breton et Soupault et « Comme il fait beau ! » par Breton, Desnos et Péret. De son côté, Aragon prépare l’autobiographie du groupe surréaliste. En septembre 1922, il en propose un plan très détaillé sous le titre « Projet d’histoire littéraire contemporaine » comprenant sept sections : Avant-propos (le premier chapitre « Agadir » sera publié dans un numéro ultérieur de la revue), De 1913 à la guerre, Du 1er août 1914 à la mort d’Apollinaire (10 novembre 1918), De l’armistice à Dada (novembre 1918 à janvier 1920), Dada (janvier 1920 à octobre 1921), Après Dada (octobre 1921 à nos jours), Conclusion. Une notation significative : parmi les événements notables de 1919, Aragon inscrit « Littérature », « Isidore Ducasse », « Les Champs magnétiques » mais aussi « Le Surréalisme », marquant ainsi l’existence d’un projet surréaliste, bien avant la venue de Tzara à Paris en janvier 1920. Aragon, plus sensible à Dada que Breton, clôt la période Dada en octobre 1921. Breton aurait plutôt vu dans le procès Barrès du 13 mai 1921 le véritable point de départ du surréalisme et donc la fin de Dada à Paris.

Le surréalisme se construit peu à peu dans Littérature. Breton commence à y publier ses rêves. Il y relate sa brève visite du docteur Freud à Vienne. En octobre 1922, dans un texte intitulé « Marcel Duchamp », il fait ce constat : « Le fameux mancenillier intellectuel qui a porté en un demi-siècle les fruits nommés symbolisme, impressionnisme, cubisme, futurisme, dadaïsme, ne demande qu’à être abattu. » Et il se demande si l’auteur du Grand Verre n’est pas celui qui parvient « plus vite que quiconque au point critique des idées », esquissant ainsi la définition du « point de l’esprit » du Second manifeste du surréalisme.

En juin 1924, paraît Littérature, nouvelle série, n° 13, qualifié par la rédaction de « Numéro démoralisant ». Ce sera la dernière livraison. Il est temps pour Aragon, Breton, Desnos et leurs amis surréalistes de passer à une autre étape et de fonder La Révolution surréaliste.

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La Révolution surréaliste (décembre 1924-décembre 1929)

La Révolution surréaliste, revue surréaliste par excellence, est celle qui a acquis la plus grande notoriété. Ses onze livraisons, de décembre 1924 à décembre 1929, marquent un tournant dans l’histoire du mouvement. Littérature, en dépit d’un titre choisi par antiphrase, pouvait encore passer pour une revue littéraire. Il n’en va plus de même avec La Révolution surréaliste dont la maquette simule celle de La Nature, une revue hebdomadaire de vulgarisation scientifique. Son grand format, avec des textes composés sur deux colonnes et entrecoupés de photos ou de tableaux, l’apparente à un magazine à fort tirage. La revue a l’ambition de s’adresser à un large public même si ses collaborateurs sont presque tous surréalistes.

Désormais La Révolution surréaliste efface toute connotation dada et affirme son identité. La fondation de la revue s’inscrit dans le cadre d’une offensive généralisée : ouverture au public du Bureau de recherches surréalistes, distribution du tract Un cadavre contre Anatole France – une gloire nationale qui vient de mourir –, publication du Manifeste du surréalisme et d’Une vague de rêves. Le public sera sollicité à travers deux grandes enquêtes en phase avec les préoccupations du groupe : Le suicide est-il une solution ? Quelle sorte d’espoir mettez-vous dans l’amour ? De même, les surréalistes n’hésitent pas à dévoiler deux séances internes de Recherches sur la sexualité. La revue accorde une place de choix aux récits de rêves, sans la moindre adjonction d’interprétation. Décembre 1924 : un rêve de Chirico, trois rêves de Breton, un long rêve de Renée Gauthier, six rêves de Michel Leiris sous le titre Le Pays de mes Rêves et enfin une spéculation de Crevel sur le rêve et le sommeil évoquant au passage un tableau de Chirico. Avril 1925 : trois rêves d’enfant, un rêve de Max Morise, trois rêves d’Antonin Artaud, six de Paul Éluard, deux de Pierre Naville, un de Raymond Queneau, un de Jacques-André Boiffard. Juillet 1925 : un long rêve de Morise, quatre rêves de Leiris. Octobre 1925 : trois anciens poèmes de Chirico où se mêlent des visions de rêve et de « peinture métaphysique » ; cinq rêves de Leiris et trois de Morise. Juin 1926 : deux longs rêves de Marcel Noll et un long rêve de Leiris. Octobre 1927 : un rêve d’Aragon et un rêve de Naville. Mars 1928 : un long rêve de Morise.

Les surréalistes noircissent des cahiers d’écriture automatique qui paraissent sous la rubrique « Textes surréalistes ». On comptabilise ainsi quatre textes pour Éluard, deux textes pour Aragon, Georges Malkine, Max Morise, Marcel Noll, Queneau, et un texte unique pour Arp, Artaud, Georges Bessière, Boiffard, Monny de Boully, Pierre Brasseur, André Breton, Simone Breton, Desnos, Francis Gérard, D. L., Péret, Cl.-A. Puget, Philippe Soupault, Dédé Sunbeam, Pierre Unik. Rêve et automatisme ont la part belle dans La Révolution surréaliste.

La direction de la revue est assurée par Naville et Péret durant trois numéros. Mais à la suite du n° 3 d’avril 1925, une livraison marquée du sceau d’Antonin Artaud, où paraissent des lettres aux Recteurs des Universités européennes, aux écoles du Bouddha, aux Médecins-chefs des Asiles de fous, des adresses au Pape et au Dalaï-Lama, Breton reprend les choses en main. Il s’en explique dans l’éditorial du n° 4 de juillet 1925 « Pourquoi je prends la direction de La Révolution surréaliste » et maintient que le surréalisme conduit une révolution de l’esprit. Des textes essentiels d’André Breton vont jalonner le parcours de la revue : Légitime défense et Second manifeste du surréalisme, sans oublier la prépublication d’extraits du Surréalisme et la peinture et de Nadja. Il est à noter qu’Artaud publie « Lettre à la voyante »  en décembre 1926 en écho à « Lettre aux voyantes » de Breton d’octobre 1925.

Dans La Révolution surréaliste l’art côtoie la poésie, la philosophie rivalise avec la politique. Parmi les artistes, Man Ray tient la vedette, au vu du nombre de photos ou d’œuvres reproduites. Viennent ensuite Picasso, Masson, Chirico, Ernst et enfin Miró, Arp, Tanguy, Malkine qui sont présents de façon significative. Dans le numéro d’octobre 1925, le tract « La Révolution d’abord et toujours ! », au contenu transgressif mêlant politique et philosophie, est cosigné par les surréalistes et les rédacteurs des revues Clarté et Philosophies. En octobre 1927, Héraclite est fêté dans La Révolution surréaliste avec une « Vie d’Héraclite » par Fénelon et « Philosophie des paratonnerres », une très longue étude d’Aragon sur Héraclite et Spengler où le surréaliste peut étaler son érudition.

Une revue est avant tout une construction collective. Certaines phrases étincelantes y font cause commune : « la question […] n’étant rien moins que celle de la neutralité de l’esprit. » (Breton, « Le bouquet sans fleurs ») ; « Un clou, deux clous, trois clous et voici notre maison bâtie. » (Péret, « L’amour des heures, la haine du poivre ») ; « QU’IL EST TEMPS ENFIN DE S’OCCUPER DE L’ÉTERNITÉ. » (Desnos, « Description d’une révolte prochaine ») ; « Révolution – solution de tout rêve. » (Leiris, « Glossaire ») ; « Mon agrégat de conscience est rompu. […] Mon esprit s’est ouvert par le ventre » (Artaud, « Nouvelle lettre sur moi-même ») ; « Tout jeune, j’ai ouvert mes bras à la pureté. » (Éluard, « La dame de carreau ») ; « tous les talons se sont brisés et des fleurs sans semence ont jailli du macadam. » (Crevel, « Le pont de la mort ») ; « un objet fait supposer qu’il y en a d’autres derrière lui » (Magritte, « Les mots et les images ») ; « La collection de cette revue [La Révolution surréaliste] reflète mieux que je ne pourrais le faire l’évolution du moderne pendant cette période. » (Aragon, « Introduction à 1930 »).

Cependant la revue est aussi le portrait fidèle de l’autobiographie du groupe. La Révolution surréaliste se meurt quand le groupe se scinde en deux en 1929. André divorce d’avec Simone. Breton inaugure une nouvelle étape en écrivant le Second manifeste du surréalisme.

En 1975, le jeune éditeur parisien Jean-Michel Place reproduit en fac-similé toute la collection de La Révolution surréaliste. C’est un succès éditorial considérable. En 1991, le reprint est amélioré, un nouveau tirage est effectué. De nouvelles générations ont pu ainsi prendre connaissance de ce monument, toujours ardent, du surréalisme.

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L’Archibras (avril 1967-mars 1969)

Après la mort d’André Breton, le groupe surréaliste de Paris fonde la revue L’Archibras. Charles Fourier a désigné par ce nom un bras surdimensionné et puissant dont les hommes seraient naturellement dotés en Harmonie. Déjà l’Exposition internationale du surréalisme « L’Écart absolu » célébrait un concept méthodologique inventé par Fourier. La nouvelle revue dirigée par Jean Schuster, mise en page par Pierre Faucheux et éditée par Éric Losfeld, publie dans son premier numéro près de cinquante hommages ou témoignages relatifs à la disparition de Breton, ceux notamment de Ferdinand Alquié, Roger Caillois, Aimé Césaire, Marcel Duchamp, Michel Foucault, Julien Gracq, Robert Lebel, Michel Leiris, Matta, Miró ou Octavio Paz. L’exposition « L’Écart absolu » y trouve aussi sa place à travers dix pages de photos de Suzy Embo et un texte de Joyce Mansour. Dans « À l’ordre de la nuit, au désordre du jour », qui ouvre la revue, Schuster s’interroge : « Le surréalisme vient d’être atteint dans la totalité de son être et la question est posée de sa continuité ou non. » Il est néanmoins persuadé que « les adolescents de l’an 2000 » verront encore leur vie changer avec Lautréamont ou Chirico. Et il conclut : « Ce qui reste à dire est plus important que ce qui est dit. »

La revue n’est pas réservée aux seuls membres du groupe. Dans L’Archibras n° 2 d’octobre 1967 et n° 3 de mars 1968, outre un article de Dionys Mascolo, on trouve des entretiens avec Marguerite Duras, Herbert Marcuse, Claude Lévi-Strauss et Witold Gombrowicz. Cette ouverture a des limites : les colonnes prévues pour l’entretien entre Joyce Mansour et Philippe Sollers ont été barrées d’un trait après que Sollers eut déclaré qu’Aragon était devenu en 1967 le réalisateur du surréalisme. Sous le titre, « Situation du surréalisme aux U.S.A. », Franklin et Pénélope Rosemont proposent un véritable manifeste qui annonce l’activité intense du groupe surréaliste de Chicago. Alors que la couverture de L’Archibras n° 3 met en valeur le nom du « Black Power », le poète américain Ted Joans affirme dans son texte « Black flower » : « Je suis Maldoror, Malcolm X, le Marquis de Sade, Breton, Lumumba et bien d’autres encore. » Parmi les interventions de Robert Guyon, la plus spectaculaire est « Décamérêve / Pour une refonte des humanités », une déclaration exaltant le rêve écrite avec Bernard Caburet et qu’ils ont affichée à Lyon dans les lieux les plus inattendus.

Parmi les jeunes surréalistes de Paris, Annie Le Brun donne sa préface à Sur le champ et « Dispersion préliminaire en vue de la confection d’une Ève future » avec des collages de Toyen. Georges Sebbag intervient notamment avec « Imagination glacée » qui rend compte de Présentation de Sacher-Masoch par Gilles Deleuze et « La raison errante » qui analyse le roman Cosmos de Gombrowicz. Pour sa part, François-René Simon s’adonne à un jeu typographique dans « Poème de ma conscience égarée ». Alors que Jean-Michel Goutier avait montré, illustrations à l’appui, comment sa compagne Giovanna savait détourner la machine à écrire, il revient à Radovan Ivsic dans « Déchaînez les masques dans la peau » de réfléchir sur le théâtre en évoquant la performance La carte absolue de Giovanna et Jean-Michel Goutier.

À la suite de la révolte de mai 68, paraît le 18 juin L’Archibras n° 4 hors-série qui sera aussitôt interdit. Les articles ne sont pas signés, mais huit noms de rédacteurs figurent en fin de numéro : Vincent Bounoure, Claude Courtot, Annie Le Brun, Gérard Legrand, José Pierre, Jean Schuster, Georges Sebbag et Jean-Claude Silbermann. Le 30 septembre, L’Archibras n° 5 hors-série est consacré à la Tchécoslovaquie. « On n’arrête pas le printemps » est rédigé par les surréalistes tchèques qui viennent de quitter Prague pour Paris. Surtout, le numéro reproduit « La plateforme de Prague » d’avril 1968, signée nominativement par vingt-huit surréalistes de Paris, auxquels il faudrait ajouter vingt-et-un surréalistes tchécoslovaques et onze surréalistes étrangers résidant en France. Cela donne une idée de l’importance des groupes surréalistes de Prague et de Paris à ce moment précis.

L’Archibras n° 6 de décembre 1968 et n° 7 de mars 1969 voient leur pagination fondre de moitié. C’est un signe précurseur des tiraillements à l’intérieur du groupe. Cependant, le bilan de L’Archibras est loin d’être négligeable. Gérard Legrand y publie en particulier « Court traité du divin », « Sur Œdipe » et « De l’analogie comme pensée absolue chez Lautréamont ». Parmi les apports de José Pierre, tantôt critiques, tantôt parodiques, deux textes s’imposent : « Sifflera bien mieux le merle moqueur » et « Le monde blanc de l’absence d’objets ». Vincent Bounoure se distingue avec « Talismans », où ses poèmes répondent aux dessins de Camacho, et surtout avec « L’événement surréaliste » : « La provocation surréaliste et l’objet surréaliste doivent maintenant se résoudre […] dans l’événement où la première dissipe son peu de conséquence dans la vérité objective et où le second trouve la mobilité. » Jean-Claude Silbermann se singularise par les clichés photographiques reproduisant la gestation d’un dessin (« Le dérailleur ») et par une interview provocatrice du directeur des objets perdus. Il y a toute la malice de Joyce Mansour dans « Rubrique lubrique pour petites bringues ». Avec une dizaine de contributions, Philippe Audoin est le surréaliste le plus présent dans L’Archibras. C’est lui qui a trouvé l’idée du faire-part « André Breton / 1896-1966 / Je cherche l’or du temps ». Dans « Fil au trésor », il décrit avec une finesse remarquable une boîte complexe relevant de l’art brut. Il préface des dessins de Camacho. Il se tourne du côté de l’occulte. Il préconise « l’intronautique », un voyage intérieur.

Deux rubriques collectives « Ce qui est… » et « Le fond de l’air » accompagnent la plupart des livraisons. Mais il y a comme un déséquilibre entre les trois premiers numéros et les deux derniers. Le printemps de Prague et Mai 68 sont passés par là.

Georges Sebbag

Références

Georges Sebbag, « Littérature / La Révolution surréaliste / L’Archibras ». Inédit en français.  Traduit en portugais et en anglais dans le catalogue bilingue Colecionar a inquietação: o núcleo surrealista da coleção M.M.G. (Collecting Restlessness: The Surrealist Nucleus of M.M.G.’S Collection), Fundação Cupertino de Miranda, Vila Nova de Famalicão, oct. 2018 – février 2019.

Ce texte – à travers les entrées « Littérature », « La Révolution surréaliste » et « L’Archibras » – est repris dans The International Encyclopedia of Surrealism, volume I, Bloomsbury, London, 2019, mais dans une traduction anglaise différente.