François Leperlier, Contre temps

Que reste-t-il à écrire quand on renonce à fabriquer un livre pour tous publics, quand on évite le roman parce qu’il insulte notre imagination, quand on dédaigne l’essai parce qu’on essaye le pantalon d’une grande marque ? Que faire si on veut bien raconter sa vie mais sans dégoiser les grands sentiments et les petites anecdotes ? Que proposer si on renonce de surcroît à la poésie maudite mais qui cuit dans son jus ? Il ne reste plus qu’à constater qu’on est contre son temps. On parle, on joue, on invective, on aime, à contretemps. Contre temps est une comédie musicale qui se chante sur un seul ton. Le ton de la fureur rentrée, de la carrure d’athlète, de l’indécence préméditée. Ton familier à quelques surréalistes et situationnistes. François Leperlier s’arme contre son temps, mais sans traîner les artilleries de 1925 ou de 1968. Il étonne par ses reparties, par sa présence, par ses raisonnements coulants, par son absence de dissimulation. Contre temps n’est d’ailleurs pas si négatif que cela. Il cultive de nombreux intervalles, interludes, interruptions, entretiens, entre temps. Exemple d’entre temps, un épisode qui figurera dans les anthologies érotiques : François Leperlier raconte comment, surveillant dans une cantine, il prit l’habitude, au dessert, de donner la becquée à une fillette de douze ans.

Qui ne se souvient des photographies qui, dans les livres d’André Breton, fixent à jamais un bout de phrase du récit ? Leperlier aussi légende son texte avec des photos-souvenirs.

Parce qu’il sonne juste, Contre temps constitue, comme disent les journalistes, un événement.

Georges Sebbag

Note 

François Leperlier, Contre temps, éd. Paul Vermont, 160 p., 27 F.

Références

« François Leperlier, Contre temps », Le Fou parle, revue d’art et d’humeur, n° 9, janvier-février 1979.